GRAND JURY : SOULEYMANE TELIKO SANS DETOUR

01 - Mars - 2020

La détention de Guy Marius Sagna, le sort réservé aux rapports des corps de contrôle, la criminalisation du viol…, Souleymane Téliko parle sans fard.
Le président de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS), Souleymane Téliko, était l’invité de l’émission hebdomadaire « Grand jury » sur RFM, dimanche 1er mars. Se prononçant sur la remise des rapports de 2017 et de 2018 de l’OFNAC, au président de la République, il a fustigé le manque de réactivité du procureur de la République, attitude souvent notée dans le traitement des rapports des corps de contrôle. Pour l’invité du Grand jury, cette situation s’explique par le cordon ombilical qui lie le parquet à la chancellerie. « C’est une situation déplorable parce que c’est du devoir de toute autorité judiciaire et le parquet en est une, d’exercer ses attributions juridictionnelles et judiciaires dans le respect de l’intérêt général sans tenir compte des considérations politiques. Et c’est d’autant plus déplorable que ça déteint sur l’image que le citoyen lambda a de la justice sénégalaise parce que le citoyen ne voit pas un organe, il voit l’entité de la justice. Quand le parquet ne fait pas son boulot comme il le faudrait, c’est l’image de la justice qui est écornée. Ceux qui doivent être poursuivis, doivent l’être. S’il estime qu’il n’y a pas d’élément, dans tous les cas, il doit les traiter. »
Le 10 janvier dernier, le gouvernement avait promulgué une loi criminalisant le viol et la pédophilie. Mais pour le magistrat, cette loi porte encore des insuffisances qui doivent être corrigées. « Contrairement à ce qu’on peut penser, l’effet dissuasif dépend moins de la sévérité des peines encourues que de la certitude dans le prononcé de la sanction or, cette certitude ne peut pas être le résultat de la loi, elle est le résultat des enquêtes qui sont menées sur le terrain. Ça c’est la première réserve. La seconde réserve est que, nous acteurs judiciaires, les problèmes que nous rencontrons dans les affaires de viol, ce sont des problèmes d’imputabilité des actes d’agression sexuelle. Souvent, nous héritons de dossiers où c’est la parole de la victime contre celle du prévenu. Nous avons, tout au plus, des témoignages de personnes proches qui ne sont pas suffisamment consistants pour aboutir à des condamnations. D’où le nombre élevé de cas de relaxe », a-t-il argumenté.
Il invite les autorités à prendre des mesures d’accompagnement pour une bonne mise en œuvre de cette loi.
L’affaire Guy Marius Sagna, l’activiste détenu pour avoir manifesté, en compagnie de ses camarades, devant les grilles du palais présidentiel pour s’opposer à la hausse du prix de l’électricité, s’est aussi invitée lors de l’émission. Souleymane Téliko a dit comprendre l’interpellation que lui ont adressé les camarades de l’activiste. Toutefois, il a précisé : « Malheureusement, je dois aussi dire que ce sont les règles déontologiques qui ne nous permettent pas, nous en tant que magistrats, de nous prononcer sur des affaires pendantes. Et puisque c’est une affaire pendante, je suis désolé, je ne peux pas me prononcer là-dessus, tout ce que je souhaite c’est que Guy Marius Sagna qui est un prévenu comme les autres, puisse bénéficier des garanties d’un procès juste et équitable. »
Lansana SYLLA

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