HOMMAGE A CHEIKH-ANTA DIOP (PAR MOMAR-SOKHNA DIOP)

05 - Février - 2024

Je rappelle que Cheikh Anta Diop est né le 29 décembre 1923 à Caytu, une communauté rurale située dans le département de Bambey au Sénégal. Il est décédé le 7 février 1986 à Dakar à l’âge de 63 ans.
Je tiens à lui re-rendre hommage et à prier pour que la terre de Caytu lui soit légère.
Il est difficile de retracer le parcours exemplaire de Cheikh-Anta Diop ou de lister toutes ses réalisations. Humble comme était l’Homme, disons tout simplement que c’est Cheikh-Anta Diop qui a restitué à l’Afrique son histoire qui remonte depuis l’antiquité nègre égypto-nubienne. A ce sujet, il publia plusieurs ouvrages dont : Nations nègres et cultures, Paris Présence africaine, l’Unité culturelle de l’Afrique noire, Afrique noire précoloniale, Antériorité des civilisations nègres, Civilisation ou barbarie, les Fondements culturels et économiques d’un État fédéral d’Afrique noire, Parenté génétique de l'Egyptien pharaonique et des langues négro-africaines, etc.
Cheikh-Anta Diop a fait le tour de l’Afrique, des caraïbes, des Etats-Unis et de l’Europe pour conscientiser les Africains et l’humanité tout entière sur la nécessité de dénoncer la falsification de l’histoire et de rétablir la vérité.
Toujours adepte de la preuve grâce à la science, il fonda à Dakar, l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN), un laboratoire de radiocarbone 14, un outil précieux qui lui avait permis de mener, en toute autonomie ses recherches scientifiques.
Sur le plan politique, Cheikh-Anta Diop s’était très vite heurté au pouvoir personnel et autoritaire de Senghor. C’est d’ailleurs ce pouvoir patrimonial qui, en 1962, avait violemment liquidé le souverainiste Mamadou Dia et instauré un régime présidentiel qui continue d’ailleurs de gangrener le Sénégal.
Malgré toutes les injustices subies, Cheikh-Anta Diop est resté un patriote intégral, une notion qui recouvre aussi bien l’ardeur au travail créatif et le courage de payer de sa personne le combat d’idées. Cheikh-Anta était un grand bosseur. Il était également un homme intègre, dévoué et désintéressé. Jusqu’ à sa mort, il était toujours au service de l’Afrique et de l’humanité. Pourtant il aurait pu choisir la facilité, se taire et bénéficier d’une confortable carrière internationale. Mais, ses quarante années de lutte, ont été marquées par l’esprit de sacrifice et par une grandeur d’âme. L’abnégation et la constance étaient sa religion.
Panafricaniste convaincu, Cheikh Anta Diop savait que la révolution africaine passe par la restauration de la conscience historique des peuples. En effet, c’est en retrouvant leur mémoire, leur culture, que les Africains seront mieux armés pour acquérir leur souveraineté et vaincre le sous-développement dans lequel ils se trouvent confinés depuis des décennies voire des siècles.
C’est ce qui l’avait d’ailleurs amené à créer en 1976, le Rassemblement national démocratique (RND), une formation politique qui fonctionnait dans la clandestinité jusqu’à sa reconnaissance officiellement le 18 juin 1981. Le RND avait combattu sans état d’âme le néocolonialisme et toutes les personnes qui l’incarnaient.
Cheikh Anta Diop avait également toujours prôné la démocratie et exigé le respect des Droits de l’Homme et des populations. Son combat consistait à organiser la sortie du néocolonialisme par la non-violence. Militant convaincu, il avait consacré toute sa vie à la lutte pour l’autonomie de son pays. Ce qui comptait pour cet homme, c’était la lutte contre l’injustice et les inégalités sociales engendrées par la domination étrangère. Persuadé que seule l’indépendance pouvait garantir de manière durable la paix, la sécurité et la prospérité, il avait préféré la lutte plutôt que de vivre dans la soumission et le mépris.
Ce qu’il faut retenir de Cheikh-Anta Diop, c’est bien sûr l’exemplarité. Indéniablement, il a influencé l’histoire politique de l’Afrique et contribué, à sa manière, à l’émancipation des peuples, même si l’Afrique continue d’être exploitée, pillée et mal gouvernée.
Rappelons également que Cheikh Anta Diop était interdit d’enseignement jusqu’en 1980 date à laquelle Léopold Sédar Senghor avait quitté le pouvoir en le léguant à Abdou Diouf.
Léopold-Sédar Senghor n’avait pas compris le combat de Cheikh Anta Diop. La conséquence est que le Sénégal peine toujours à retrouver sa souveraineté. Il reste un pays extraverti et dirigé par des politiciens professionnels qui continuent de violer les règles démocratiques et d’installer le pays dans difficultés.

Momar-Sokhna Diop
Professeur d’économie/gestion auteur de : Gestion des ressources humaines dans les organisations, l’Harmattan, 2003, Quelles alternatives pour l’Afrique ?, l’Harmattan, 2009, Enseigner en banlieue, une mission possible, Chronique sociale, 2015, Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence, l’Harmattan, 2019.

 

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