IN MEMORIAM : LETTRE AU GRAND MAWDO

26 - Janvier - 2018

Très cher Mawdo,
Cela fait neuf ans que tu as été arraché à notre affection. Ces 108 mois sans toi avec ton œil du Patriarche et tes vérités dites sans compromis ni compromission nous manquent terriblement surtout que la pirogue est des fois dans la tourmente et tangue. Tu as du te retourner plusieurs fois là où tu es chaque fois la classe politique du pays fait de ces bourdes qui démontrentà la fois une cupidité et une avidité à donner le tournis.

Hélas le Sénégal de ce début du 21éme siècle n’a plus les hommes d’Etat de ta trempe, toi qui as servi ton pays avec Amour et Passion. Ton engagement pour l’État, la Nation et la République était légendaire et constituait ton seul credo, et c’est ainsi que tous les actes que tu posais, allaient dans ce sens. Chaque fois que tu étais en colère, c’est parce que le Sénégal, ce bien qui était à tes yeux inaliénable était diminué ou déshonoré ; ce qui t’était insupportable.
Aussi tu as toujours su te placer au dessus de la mêlée avec un sens des responsabilités inégalé. Malheureusement depuis 2000, ce que tu détestais le plus comme la corruption, la gabegie, le népotisme, la concussion et l’affairisme dans les hautes sphères de l’Etat sont devenus monnaie courante au grand dam des patriotes et ceux qui sont mus par l’intérêt supérieur de la Nation.

Je me souviendrai toujours de la vérité que tu as assénée à l’ancien locataire du Palais de la République de 2000 à 2012, les yeux dans les yeux : « On t’a élu, mais on ne te fait pas confiance ». Gounod nous apprenait que « mourir, c’est sortir de l’existence pour entrer dans la vie » ; cela est d’autant plus vrai que depuis que tu es parti dans la nuit du 24 au 25 janvier 2009, c’est une perte incommensurable ressentie par des milliers et des milliers de concitoyens. Là où tu es, tu peux être fier des sacrifices consentis pour ton pays et de la droiture dont tu as fait montre toute ta vie durant.

Ton refus du népotisme, des compromis voire des compromissions sont autant de legs surtout pour la nouvelle génération d’hommes politiques qui devraient s’en inspirer, s’ils veulent comme ils le clament tous, sortir le pays de l’ornière.

C’est déjà de façon péremptoire qu’ au congrès du Bds de juin 1952, présentant le rapport moral suite à la victoire aux élections territoriales, tu tirais la sonnette d'alarme : «Ce qu'il faut craindre dans le cas qui nous préoccupe, c'est que notre victoire électorale ne se ramène à un changement de décor, à une substitution de personnel au lieu que l'essentiel à réformer demeure et qu'en particulier, le népotisme ne fasse que changer de camp (...)
Il dépend de nous de faire en sorte que notre lutte soit autre chose qu'une banale compétition, une course aux honneurs et aux prébendes, autre chose qu'une lutte stérile d'influence à laquelle le népotisme aura servi simplement de prétexte».
Malheureusement de mars 1952 à nos jours, le péril semble le même
Tu avais très tôt compris qu’il était possible de bâtir un système économique et social juste, capable de prendre soin de chaque Sénégalaise, de chaque Sénégalais, dans un pays préservé où les Institutions fonctionnent et les droits élémentaires garantis et respectés car il y avait assez de ressources et d’intelligence pour combler les besoins fondamentaux de tous les citoyens.
L’esprit de l’homo senegalensis était suffisamment inventif et adaptatif pour que la misère et les inégalités s’effacent au profit d’une société plus harmonieuse. C’est pourquoi d' ailleurs, tu avais l’habitude de dire qu’on ne développe pas un pays sur la base de l’aide et de la mendicité internationales.

Tu avais également compris que l’engagement politique est un sacerdoce, non pas par goût du pouvoir ou de l’image, par ambition, par reconnaissance, mais pour l’amour de son pays en y mettant le meilleur de soi-même, pas le plus raisonnable, mais le plus sage, le plus joyeux, le plus espérant. Tu t'es aussi toujours battu pour que notre pays ait sa place dans le concert des nations respectées et estimées sur la base d’un projet de société patriotique calqué sur des valeurs sociétales nobles.
Nous prions Allah le Tout Puissant dans sa miséricorde, de te couvrir et de te hisser auprès du sceau du Prophète Mohamed (PSL). Encore une fois merci pour tes leçons de droiture, d’amour et de passion pour son pays que nous tâcherons de pérenniser en les inculquant aux générations futures.

Nous le constate pour le déplorer que les gourvernements successifs de notre pays ne t'ont pas honorés pour tes services rendus à la Nation. Cependant, nous te réaffirmons notre serment de suivre les sillons que tu as tracés et que le jour où nous te rejoindrons aussi, on retrouvera ton nom gravé en lettres d’or dans nos cœurs.

Très respectueusement,
Ton petit-fils et disciple
Ben Yahya SY

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