«L’enjeu est de ne pas rester dans les mailles du passe»

31 - Mai - 2019

El Hadji Hamidou Kassé, refait le débat. le ministre, conseiller en charge de la communication à la présidence de la République, s’est entretenu avec sud Quotidien, quarante-huit heures après le démarrage du dialogue national, initié par le président de la République Macky Sall. et, l’ancien journaliste reste dans la dynamique du «Macky», en appelant toutes les forces vives de la Nation à se «tourner résolument vers l’avenir sans rancune, remords ou aigreur». parce que, selon lui, «l’enjeu, pour notre pays et notre peuple, est de ne pas rester dans les mailles du passé au point d’oublier que ce n’est pas une posture productive». D’ailleurs, M. Kassé préfère garder l’espoir que Me Abdoulaye Wade va finir par rejoindre «la dynamique initiée par son successeur». Mieux, il conseille Sonko, Idy et autres à rejoindre cette même dynamique, parce que prévient-il, «s’en exclure ou être dans une posture de défiance n’est pas politiquement productif».

El Hadji Hamidou Kassé, vous êtes ministre, conseiller en charge de la communication à la présidence de la République. le 28 mai dernier, la quasi-totalité de la classe politique et d’autres acteurs de notre société ont répondu à l’appel du Chef de l’état sur le dialogue national. Pensez-vous que cette fois sera la bonne, après plusieurs tentatives infructueuses ?

A entendre les échos, c’est tout le peuple sénégalais qui se réjouit de l’initiative du Président de la République. La journée du 28 mai fut donc historique car, des acteurs qui n’ont pas toujours l’habitude de se rencontrer et de se parler, ont accepté de partager un même espace et d’échanger en toute liberté. Toutes les forces vives étaient là, certaines adversaires les unes les autres mais, soucieuses ensemble de trouver des consensus dans le processus du dialogue voulu par le Chef de l’Etat. Par ailleurs, il faut faire la différence entre le dialogue politique et le dialogue national. Certes, certains compatriotes de l’opposition avaient rejeté la main tendue du Président de la République, notamment autour du processus électoral. Mais nous pouvons, à présent, considérer que c’est le passé. Regardons donc résolument vers l’avenir sans rancune, remords ou aigreur.

Le Sénégal a eu droit à un code consensuel en 1992 avec le juge Kéba Mbaye. l’ancien président de la République, Abdou Diouf n’avait pas jugé nécessaire de toucher à une seule virgule des travaux. le président Sall pourrait-il agir ainsi avec Famara Ibrahima Sagna qui semble faire l’unanimité ?

D’abord, le choix porté sur l’ancien ministre et Président du Conseil économique et social, notre compatriote Famara Ibrahima Sagna, est judicieux. Il faut saluer le consensus autour de cet homme qui a été actif et discret dans le dénouement de plusieurs situations de cristallisation dans notre pays. Oui, le Président Sall a déclaré que tous les consensus issus de ce processus d’échange entre les forces vives de la Nation seront mis en œuvre. Encore une fois, ce dialogue est à la fois politique, économique, social. Il touche à toutes les dimensions de la vie n o t r e s o - ciété. Il n’est donc pas que politique ou limité au processus électoral. Ce ne sont que des aspects, certes importants, mais tout de même des aspects d’une dynamique globale, plurielle, inclusive. Faisons confiance à tous les acteurs qui ont donné la preuve de leur capacité de s’élever en hauteur pour ne considérer, dans les propositions à venir, que l’intérêt du pays.

d’aucuns se sont permis de douter de la sincérité du Chef de l’état, en invoquant le sort qu’il avait réservé aux conclusions de la Commission nationale de la Réforme des institut i o n s (CNRi) dirigée par le professeur amadou Makhtar Mbow et composée par d’éminentes personnalités. le Conseiller juridique du président Sall d’alors, Ismaïla Madio Fall, avait soutenu que Mbow et Compagnie avaient outrepassé leurs compétences. or, au regard du décret fixant les orientations, il n’en était rien. Que répondez-vous ?

Attention, d’abord, le Chef de l’Etat n’a jamais dit qu’il appliquerait intégralement les recommandations de la Commission. Ensuite, comme je le disais tantôt, il faut savoir regarder résolument vers l’avenir, être positif et affirmatif lorsque l’enjeu le recommande. Et l’enjeu, pour notre pays et notre peuple, est de ne pas rester dans les mailles du passé au point d’oublier que ce n’est pas une posture productive.

le président Sall avait émis le souhait de voir ses prédécesseurs, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade apporter leur contribution. le premier reste aphone ou du moins publiquement. Quant au second, il a fixé des conditions de participation au dialogue avec notamment, la révision du procès de Karim Wade et la libération de Khalifa Ababacar Sall ? Qu’en pensez-vous ?

Les Présidents Diouf et Wade ont joué un rôle capital dans l’histoire de notre pays. Le Président Sall a beaucoup de considération pour eux. Il sait que leur contribution sera précieuse et très utile pour ce processus de dialogue inédit dans notre pays. C’est pourquoi il a souhaité leur implication. Mais, le fait de ne pas être physiquement présent à la journée du 28 n’est pas le plus important. Le Président Diouf s’est retiré de la vie publique certes, mais je suis sûr qu’il bénit l’initiative du Président Sall. Le Président Wade est encore dans le champ politique. Nous gardons l’espoir qu’il rejoindra la dynamique initiée par son successeur.

L’actuelle maire de Dakar, Soham Wardini a aussi demandé la libération de Khalifa Sall. Mais le président Sall a répondu en précisant qu’il ne peut intervenir que quand toutes les voies de recours seront épuisées. Pourtant un débat sur des délinquants n’ayant pas droit à la grâce fait rage au Sénégal. C’est le cas par exemple dans l’affaire de Mamadou Oury Diallo ?

Ce que le Président de la République a dit est tout à fait plausible. Je ne suis pas juriste pour aller dans le fond de votre question. Je dois juste vous dire que le Président m’inspire une confiance intacte. C’est un homme d’équilibre et de justice, attentif au bruit de fond de notre société dans la diversité de ses composantes. N’a-t-il pas dit avec force que la démocratie ne saurait être réduite à une confrontation permanente entre opposition et pouvoir, entre majorité et minorité ?

M. le Ministre, Ousmane Sonko, arrivé à la 3ème place de la présidentielle du 24 février dernier, a fait une sortie au vitriol pour récuser le dialogue, mettant en avant, les différentes attitudes du président Sall depuis les assises nationales. Quel commentaire en faites-vous ?

Lors de la journée du 28 mai, l’ensemble des composantes de notre Nation ont répondu à l’appel du Président de la République. Les centrales syndicales des travailleurs, toutes les organisations patronales, tous les grands blocs politiques de la majorité, de l’opposition et des non alignés, toutes les organisations de la société civile en vue, toutes les institutions de la République, l’ensemble des associations d’élus, les acteurs culturels ainsi que de nombreux universitaires, les mouvements de jeunes et de femmes, les chefferies religieuses et coutumières étaient là et ont pu échanger librement et utilement. C’est, à mon avis, cela l’essentiel. Je pense, très sincèrement que ceux qui sont en dehors de cette dynamique doivent l’intégrer. Vous savez, la politique, c’est d’abord et surtout la capacité à saisir les exigences d’une séquence de l’histoire et d’en tirer des conséquences pratiques. Lorsque l’enjeu touche à des composantes aussi nombreuses et diverses de notre société, il devient national. S’en exclure ou être dans une posture de défiance n’est dès lors, pas politiquement productif.

En plus d’Ousmane Sonko, Idrissa Seck, Madické Niang, n’ont pas répondu présent. le pds et certains partis politiques non plus. Vous dites tant pis ou vous allez demander à Famara Ibrahima Sagna de continuer les négociations pour que tous puissent y prendre part ?

Je ne suis pas dans le décompte épicier. Je répète juste que lorsqu’un enjeu est national, s’en exclure n’est pas politiquement productif. Croyez-vous sincèrement que le défi sécuritaire, la modernisation de notre démocratie, la prise en charge consensuelle du social, c’est-à-dire du vécu quotidien des populations, l’avenir de la jeunesse du Sénégal, devraient s’encombrer de nos susceptibilités ?

M. Kassé, le président Sall a aussi surpris plus d’un en supprimant le poste de premier ministre, scindant le département de l’économie et des finances en deux, avec comme motif une gouvernance «Fast-track». Pourtant les présidents Senghor et Diouf qui l’avaient essayé avant lui, avaient fini par revenir à la case de départ en restaurant cette sorte de «fusible». D’aucuns soutiennent que la seule motivation du président Sall est d’éviter un numéro 2 dans l’appareil étatique ?

Le débat sur la suppression du poste de premier ministre relève du passé, il me semble. Le Chef de l’Etat définit la politique de la Nation. Il est tout à fait habilité, dans les limites fixées par la Constitution, de mettre en place le dispositif institutionnel qu’il juge efficace pour mettre en œuvre la politique définie. Il n’y a donc, aucune autre considération en dehors de cet objectif d’efficience et d’efficacité pour intensifier les acquis, ouvrir de nouveaux chantiers et apporter un mieux au vécu des populations

il y a aussi les disparitions des motions de censure et défiance. or, il est retenu qu’en cas de «crise», le président de la République peut dissoudre l’assemblée nationale. au finish, c’est l’assemblée nationale qui perd son pouvoir de contrôle pendant qu’on renforce davantage les prérogatives du président de la République ?

Attention, j’ai discuté avec de nombreux parlementaires sénégalais, et aussi ceux d’un pays qui a une longue tradition parlementaire, lors d’un récent voyage. En fait, la réforme introduite par le Président est très équilibrée. La motion de censure disparait mais aussi, le pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale qu’avait le Président de la République. On en revient au principe de réalité.

Vous êtes aussi journaliste. les médias traversent une crise sans précédent. or, ils constituent un maillon essentiel dans la consolidation de la démocratie et le pluralisme. Que comptez vous faire pour sauver le secteur ?

Disons ancien journaliste (rires). Il y a deux niveaux de réponse. D’abord, le Chef de l’Etat a décidé de mettre en place un Fonds d’appui au développement de la presse. C’est une piste très sérieuse. Ensuite, c’est aux patrons et professionnels de médias de renforcer leur compréhension du nouveau contexte marqué par l’essor de la presse en ligne et des réseaux sociaux devenus aussi de véritables supports de production et de diffusion de l’information. La crise des médias classiques est réelle. C’est la raison pour laquelle plusieurs groupes dans les pays développés s’orientent de plus en plus vers un concept intégré de l’entreprise de presse basé sur la maitrise du digital. Il s’agit donc, pour vous qui opérez dans les médias, d’avoir une claire conscience des mutations, des enjeux culturels et technologiques et des défis nombreux induits par le numérique.

Vous êtes également membre de l’Apr. Votre parti fonctionne sans structuration. ou du moins, elle est horizontale. Après son président, Macky Sall, tout le monde semble être au même pied. Ce qui n’est pas loin d’une armée mexicaine et qui fait qu’on assiste à toutes sortes de dérives verbales. N’est-il pas temps de faire comme tout le monde ?

L’APR est le fruit d’une conjoncture très singulière. C’est un parti qui a fonctionné d’une certaine manière comme une organisation clandestine de peur d’être décapitée (rires). Oui, c’est vrai que nous fonctionnons comme un «réseau social» même si, tout de même, nous avons des instances de direction. Il y a en notre sein le débat sur la nécessité ou pas de structurer le parti. C’est une question de fond et elle exige de se méfier des réponses simplistes. Je ne crois pas, dans tous les cas, que l’APR puisse se structurer comme parti classique. Il faut continuer la réflexion pour aboutir à un schéma organisationnel qui allie la contrainte organisationnelle, ce qui est le propre du parti classique au sens léniniste, et la liberté, ce qui oblige à s’adapter à la nouvelle modernité induite par les réseaux sociaux.

M. le ministre, nous allons vers la Coupe d’Afrique des nations. Ce sera la 15ème participation du Sénégal depuis 1965. La remise du drapeau national est prévue le 7 juin prochain. Quelles sont les attentes du Chef de l’état cette année ?

Le Chef de l’Etat encourage l’équipe nationale et l’encadrement. Nous avons tout ce qu’il faut aujourd’hui pour aller le plus loin possible et, pourquoi pas, jusqu’à la victoire. L’Etat, quant à lui, assumera l’obligation de moyens dans la droite ligne de ce que le Président de la République fait pour le sport depuis 2012

sud quotidien

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