LA TERANGA EN RECUL : LE SENEGAL A L’EPREUVE DE LA MEFIANCE ET DU DESENCHANTEMENT (PAR AMADOU DIALLO)
Longtemps chantée comme un modèle de convivialité, d’hospitalité et de cohésion sociale, la teranga sénégalaise semble aujourd’hui s’effriter, mise à mal par un climat politique tendu et une société de plus en plus fracturée. Ce recul du vivre-ensemble, valeur emblématique du Sénégal, se double d’une érosion progressive de la confiance entre citoyens, et entre ceux-ci et leurs dirigeants.
Symbole de cette fraternité légendaire, le système de « cousines et cousins à plaisanterie », véritable ciment social qui permettait de désamorcer les tensions communautaires et de cultiver l’humour comme arme de paix, perd lui aussi de sa vitalité. Là où jadis régnaient la dérision bienveillante et le respect des différences, s’installent aujourd’hui suspicion, rivalités et discours clivants.
Depuis l’avènement politique de Sonko, une atmosphère de crispation semble s’être emparée du pays. Le renouveau politique tant attendu a, pour le moment, laissé place à une désillusion palpable. La lutte contre la corruption promise en grande pompe est éclipsée par des scandales à répétition, mêlant accusations de détournements de fonds publics et favoritisme. Ces affaires, devenues presque banales, contribuent à l’instauration d’un climat de défiance généralisé.
L’environnement des affaires n’est pas épargné. Investisseurs et entrepreneurs, nationaux comme étrangers, observent avec inquiétude cette dégradation du climat social. L’insécurité juridique, les tensions sociales et le manque de visibilité politique pourraient conduire le Sénégal vers une impasse dangereuse, à rebours des ambitions économiques et sociales qu’il nourrit.
Il est donc urgent, dans l’intérêt du pays, de rétablir les fondamentaux : restaurer la confiance, revivifier la teranga, réhabiliter les symboles de cohésion sociale, et surtout, renouer avec une gouvernance éthique, transparente et inclusive. Car un Sénégal méfiant est un Sénégal affaibli — et c’est ensemble, dans le respect de ses valeurs fondatrices, que la nation pourra espérer retrouver sa grandeur et sa place dans le concert du monde diplomatique.
Amadou Diallo ancien consul général