LE GOUVERNEMENT DOIT PROCEDER, SANS COMPLAISANCE, A UN AUDIT DES POLITIQUES MIGRATOIRES DE 1974 A 2024 (PAR BIRAHIM CAMARA)

09 - Mars - 2025

Contraire du sioniste, la diaspora définissait la communauté juive éparpillée et dispersée à travers le monde.
Quant au qualificatif émigré, il était attribué aux rois, aux princes, aux aristocrates et aux ecclésiastiques anti républicains et partisans de la restauration de la monarchie qui, nostalgiques en quête de liberté et de bien être fuyaient les affres de la révolution déclenchée en 1789 par la convention dominée par Robespierre, Danton, Marat, Saint Just, les Vendéens, les sans culottes et le tiers état (prise de la bastille et exécution du roi).
La frontière poreuse entre les deux concepts peut prêter à confusion avec l’exil.
Les trois pourraient partager le même dénominateur : le volontaire ou contraint déplacement individuel ou communautaire d’une région à une autre, d’un pays à un autre, d’un continent à un autre.
En remontant aux racines de l’humanité, selon la Thora , les Evangiles et le Coran , l’expulsion du paradis d’Adan et d’Eve fut le premier déplacement sous contrainte d’un point à un autre qui devint un phénomène évolutif dans le temps et l’espace .
Si les causes, depuis la nuit des temps, sont diverses (maladies, famines , guerres etc...) l’objectif demeure la recherche du bonheur , de la liberté , de la paix et de la sécurité pour les deux millions de compatriotes qui forment la diaspora sénégalaise en Europe, aux Amériques, en Asie , au proche et moyen Orient et en Afrique .
Le Sénégal n’est pas en guerre même si les tensions indépendantistes, depuis 1982 , perdurent dans sa partie sud .
Cependant notre pays a connu la sécheresse , la détérioration des termes de l’échange, les méfaits des onze accords coloniaux ( des années 1960 - 1970 ) qui vidèrent les hameaux et les villages du Fouta de ses paysans , de ses pasteurs , de ses pêcheurs, de ses tisserands, de ses cordonniers et de ses forgerons qui , par routes et mers se retrouvèrent dans les villes portuaires ( Marseille, le Havre , Toulon ) , les filatures ( Roubaix , Lille , Tourcoing ), les aciéries ( Nancy , Metz ), les manufactures ( Saint Étienne ) , les usines d’automobile ( Renault de Boulogne Billancourt , Simca de Poissy , Peugeot de Mantes la Jolie ) pour parachever la reconstruction de la France dévastée par la seconde guerre mondiale.

Parqués dans des caves et locaux en ruine appelés jadis foyers de travailleurs migrants ou de personnes isolées sans eau, sans électricité et sans chauffage à la périphérie des villes, mandjacks , soninkés et toucouleurs avaient transposé les règles et les modes de vie communautaire de leurs terroirs d’origine : tous pour un et un pour tous .
Ainsi naquirent les caisses villageoises pour recevoir les nouveaux arrivants , assister et rapatrier les malades ( frères, cousins et voisins) en phase terminale. Les cotisations instituées et obligatoires avaient servi à la construction de mosquées, de dispensaires et d’écoles dans les villages d’origine du nord et de l’est du Sénégal où l’état était absent .

De 1980 à 2000 les plans d’ajustement structurel, le désengagement de l’état des secteurs clefs comme l’éducation, la santé et l’industrialisation ajoutés aux conflits politiques post électoraux, estudiantins et syndicaux ( année blanche, radiation des policiers , dévaluation de la monnaie , les accords de pêche ) ont développé le chômage , l’exode rural , l’insécurité et la peniaphobie .
L’émigration est devenue un échappatoire pour la jeunesse sénégalaise et a ouvert les portes d’autres pays d’accueil comme l’Italie , l’Espagne, le Canada et les États-Unis d'Amérique avec lesquels notre pays , au terme de négociations serrées, a obtenu plusieurs accords , traités et conventions qui ont du mal à répondre aux exigences économiques, sociales et culturelles.
Certes plusieurs outils comme le Conseil Supérieur des Sénégalais de l’Extérieur, le Haut Conseil des Sénégalais de l’Extérieur ont été initiés, mais leur politisation à outrance a déçu les attentes .
Les consulats et les ambassades comme les directions , les agences et les fonds inutilement superposés sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, loin des problématiques réelles, sont depuis 2000 des opportunités pour caser la clientèle politicienne et fictive gracieusement rémunérée par le contribuable sénégalais.
Le gouvernement de la troisième alternance doit procéder sans complaisance à un audit des politiques migratoires de 1974 à 2024 en s’appuyant sur les compétences diasporiques que la seule banque des Sénégalais de l’Extérieur et les réponses administratives relatives au passeport et à la carte nationale d’identité ne peuvent résoudre compte tenu de l’acuité du phénomène qui , à la fois , est culturel , économique et social . Il est aussi sociologique avec le changement du visage de l’émigré qui était ouvrier, manutentionnaire, éboueur, rappeur, vigile ou plongeur est aujourd'hui ingénieur, doctorant, docteur que les pays d’accueil attirent au détriment du Sénégal.
Il est serere du Sine-Saloum , lebou des Niayes , woloff du Baol , du Kadior et Diola de la Casamance .
Aucune politique publique ne saurait prospérer sans un état des lieux exhaustif des réalisations des diasporas au Sénégal qui transcende les clivages politiques car l’émigration est devenue un enjeu national et patriotique pour ne pas dire patriotisme.

Birahim Camara

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