LE PROCUREUR REQUIERT 2 ANS DONT 3 MOIS FERME CONTRE LES DÉPUTÉS SALL ET BIAYE
Appelée à la barre de la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar hier, jeudi 21 avril, l’affaire de trafic présumé des passeports diplomatiques impliquant les députés Boubacar Biaye et Mamadou Sall a été jugé en présence de tous les accusés et de la partie civile. Dans son réquisitoire, le procureur de la République a demandé 2 ans de prison ferme contre Kondé et 2 ans dont 3 mois ferme pour les autres prévenus, à savoir les députés Mamadou Sall, Boubacar Biaye et Sadio Dansokho, ancien président du Conseil départemental de Saraya. Tous les prévenus ont plaidé non coupable.
Après deux renvois d’affilés, la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar a statué hier, jeudi 21 avril sur l’affaire de trafic présumé des passeports diplomatiques impliquant les députés Boubacar Biaye et Mamadou Sall, tous deux membres du Groupe parlementaire de la majorité Benno Bokk Yakaar. L’affaire a été mise en délibéré pour le 19 mai prochain par le président de la Chambre correctionnelle. Auparavant dans son réquisitoire, le Procureur de la République a demandé au tribunal de déclarer tous les prévenus coupables de toutes les infractions « d’association de malfaiteurs, escroquerie, blanchiment de capitaux, trafic de migrants et faux usage de faux en écritures privées de banque dans un document administratif et en écriture publique authentique » qui leur sont reprochées. Soulignant qu’il ne doit pas avoir dans ce pays de « délinquants vip », il a demandé au président de la Chambre correctionnelle de condamner El Hadj Kondé à 2 ans de prison ferme et 2 ans dont 3 mois ferme pour les autres prévenus, à savoir les députés Mamadou Sall, Boubacar Biaye et Sadio Dansokho, ancien président du Conseil départemental de Saraya. En effet, s’adressant à la Cour, le maitre des poursuites a indiqué que « vous avez ici des députés faussaires, des députés escrocs » qui ont « blessé la République ». « Au lieu de servir la République, ils ont utilisé leur privilège pour dépouiller de pauvres gens », a-t-il martelé avant de lancer dans la foulée. « Être députés et faussaires, ce sont des mots qui ne peuvent pas aller ensemble ». Prenant la parole à la suite du procureur de la République, les avocats de la défense ont invité le « tribunal à ne dire que le droit » dans cette affaire. Dans sa plaidoirie, Me Dialy Kane, avocat de Kondé affirmera que la réquisition du procureur de la République est injuste même si elle est objective. En effet, selon lui, « on ne peut requérir 2 ans ferme pour Kondé qui est un inconnu, qui n’a jamais été condamné par un tribunal et demandé 3 mois ferme pour des représentants de la nation en l’occurrence les députés incriminés dans cette affaire ». Mieux, poursuivant son propos, il a indiqué au sujet de l’infraction de trafic de migrants visé par le parquet dans cette affaire qu’elle n’est pas prouvée mais qu’il s’agit plutôt d’un abus de confiance puisque Kondé s’est engagé à aider les présumés victimes à obtenir un visa. Pour sa part, Me Antoine Mbengue, avocat de Mamadou Sall et Boubacar Biaye, a indiqué que si « on était dans l’orthodoxie de poursuite, les prétendues victimes seraient devant la barre pour se défendre pour avoir accepté librement des certificats de mariage et des extraits de naissance qui ne sont pas les leurs. Pour ce qui est des parties civiles, ils ont tous réclamé le remboursement de la totalité des montants versé à El Hadj Kondé.
Les victimes réitèrent leurs accusations
Lors des débats, les présumés victimes dans cette affaire au nombre de 6 à savoir, Oumou Touré, Ngamet Camara, Fatoumata Binta Diallo, Niélé Sylla, Ibrahim Arabi Kébé et Cheikh Tidiane Thioub ont tous réitéré leurs accusations contre El Hadji Diadié Konde. Interpellés par le président de la Chambre, chacun est revenu sur les motivations de sa plainte. A l’instar d’Oumou Touré qui a expliqué avoir connu El Hadj Kondé par l’entremise d’une de ses amies que ce dernier avait aidé à trouver un visa. « Je voulais voyager mais après 3 tentatives de demande de visa sans succès, une de mes amies que Kondé avait aidé à trouver un visa m’a alors mis en rapport avec lui. Le jour de notre rencontre après que je lui expliqué que je suis à ma troisième tentative de demande de visa, il a proposé de me trouver un passeport diplomatique moyennant une somme de 4 500 000 F en me disant qu’il travaille avec un député. C’est ainsi qu’il m’a amené dans le local de Mamadou Sall à l’Assemblée nationale ». Ngamet Camara de nationalité Guinéenne a indiqué avoir connu Kondé en 2019 et lui a remis une somme de 3 350 000 F sur les 4 millions convenus en guise d’avance pour un visa au Portugal qu’il n’a jamais reçu jusqu’à ce jour. Abondant dans le même sens, Fatoumata Binta Diallo soulignera elle aussi que c’est après que Kondé ait fait voyager une de ses sœurs, qu’elle lui a donné à son tour une avance de 700 000f pour que ce dernier lui trouve également un visa. « Kondé fréquentait notre maison à Kedougou… Il nous avait demandé un montant de 3 000 000 F mais finalement on a retenu 2 000 000f. Il nous a alors présenté à Sadio Dansokho qui m’a fait un contrat de travail au Conseil départemental de Saraya pour faciliter les démarches », a renseigné pour sa part Ibrahim Arabi Kébé.
KONDÉ ET LES DÉPUTÉS BOTTENT EN TOUCHE
Appelé à la barre à leur tour, tous les prévenus ont plaidé non coupable des faits qui leur sont reprochés. Présenté comme le principal cerveau de ce réseau, El Hadj Kondé a contesté une partie des déclarations des plaignants même s’il a reconnu avoir proposé son aide à ces derniers dans le cadre de leurs démarches de visa. Pour sa part, le député Biaye a indiqué qu’il n’a eu aucune relation avec Kondé qu’il a connu en 2017 par l’entremise de son défunt ami et collègue député Malamine Gomis. « A l’époque mon ami Gomis n’était pas encore député, il m’a demandé de l’aider en cautionnant le voyage de sa sœur et de son frère… Sinon, Kondé n’a jamais eu de ma part une mission. Je ne suis pas au courant non plus de ses agissements en dehors de la procédure de Malamie Gomis», a-t-il clamé. Appelé à la barre, l’ex-président du Conseil départemental de Saraya, Sadio Dansokho, a rejeté les accusations d’Ibrahim Arabi Kébé en jurant qu’il n’a jamais confectionné un contrat de travail au profit de son accusateur. De son côté, le député Mamadou Sall a juré n’avoir jamais rencontré la dame Oumou Touré bien que cette dernière ait réaffirmé qu’ils se sont vus à l’Assemblée nationale. Interpellé par le président du tribunal sur ces relations avec Kondé, il a répondu que ce dernier l’avait aidé dans les démarches lors du voyage de ses enfants mais, en aucun moment, « je n’ai cautionné l’usage des documents que je lui ai remis à d’autres fins» s’est-il défendu.