Les murs ont des oreilles, la forêt de Singhère aussi

12 - Août - 2020

La nouvelle est tombée ce dimanche 9 août 2020 : vingt-et-un jeunes partis à la cueillette de fruits sauvages dans la forêt de Singhère (Département de Goudomp) sont portés disparus. Dix-huit d’entre eux seront très rapidement retrouvés, tandis que les trois autres ne réapparaîtront que le lendemain.

 Et l’on dit des premiers qu’ils avaient été enlevés puis malmenés par « des individus armés supposés appartenir au Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) », selon la formule consacrée, particulièrement prisée pour faire l’économie des investigations en principe nécessaires suite à de tels incidents dans un contexte comme celui de la Casamance ; et des seconds, qu’ils s’étaient tout bonnement perdus dans leur fuite.

 En fait, tout a commencé la veille, où ces mêmes jeunes, avec les mêmes motivations, se sont rendus dans ladite forêt. Soudain, l’un d’eux fit une découverte insolite : une musette remplie de munitions. Le groupe de jeunes s’en empara et rebroussa chemin, avec comme objectif de remettre la musette et les munitions qu’elle contenait au poste de l’Armée le plus proche. Ce qu’il fit, du reste.

 Acte de bravoure ? Ou bien de civisme ? A moins que cela ne soit plutôt un acte inconsidéré qui participe de la pure sottise, si l’on sait que la manipulation de tels engins de guerre nécessite un minimum d’expertise.

 Toujours est-il que, le lendemain, ce groupe de jeunes va remettre ça. Et en lieu et place de la cueillette de fruits sauvages, pour laquelle ils sont retournés, insoucieux, dans la forêt de Singhère, ils seront cueillis à leur tour par des hommes armés, propriétaires présumés de la musette avec ce qu’elle recelait. La suite, tout le monde la connaît.

 Il faut croire que ces jeunes n’ont pas dû aviser l’Armée quant à leur intention de retourner sur les lieux du forfait, étant donné que les militaires alertés, pour leur part, se sont bien gardés d’aller explorer la forêt incriminée.

 

Je ne justifie rien ici. En l’occurrence, je ne fais que rapporter les faits, rien que les faits ; mais des faits avérés et vérifiables.

 Singhère, avec sa forêt, où se situe-t-il au juste ?

 Exactement dans la vaste zone dont on nous dit, pour justifier l’injustifiable, qu’elle aurait fait l’objet de nettoyage au « kärcher » et d’opérations militaires de la part de l’Armée, à coup notamment de pilonnages aveugles et autres bombardements tout aussi aveugles pendant de nombreuses semaines, sans répit, au grand dam de la faune et de la flore ; aux fins, nous dit-on encore, non seulement de sécuriser ladite zone, mais de faciliter et d’encourager le retour dans leurs villages de personnes déplacées du fait de la guerre.

 Et c’est dans ce secteur, plus précisément dans la forêt de Singhère, c'est-à-dire à un jet de pierre des positions de l’Armée, que s’est opérée l’opération dite de la cueillette de fruits sauvages, pour se terminer sous la forme d’un drame.

 Mais un drame qui se révéla, malgré son caractère dramatique, comme le révélateur de ce que, enfin, nous serions entendus par nos frères combattants du MFDC ; moi en tous les cas, avec notamment mon sempiternel discours qui appelle inlassablement à la Raison dans l’action, en toutes circonstances.

 Comme il est plaisant de savourer et de partager un tel moment de délectation !

 Car, jadis, et ce jusqu’à un passé récent, pour beaucoup moins que ça, oui ! pour beaucoup moins que ça, souvenons-nous-en, nous avons dû déplorer des mutilations, voire des morts.

 Le conflit en Casamance, faut-il le rappeler, aujourd’hui vieux de près de 38 ans, est une guerre non-conventionnelle. Et comme telle, elle s’accommode fort bien de tous les accommodements possibles ou imaginables chez nous, impossibles ou inimaginables sous d’autres cieux.

 Or, pour autant qu’elle soit non-conventionnelle, cette guerre se terminera de manière conventionnelle, mais guère sauvage.

 Ceci n’est pas seulement une certitude pour moi. C’est aussi une revendication, mon éternelle revendication.

 En l’espèce, pour sûr, objectivement, il n’existe pas d’autre alternative.

 Dakar, le 12 août 2020.

 Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)

Ancien Secrétaire Général du MFDC

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

24 - Mai - 2024

Rebondissement : L’affaire Didier Badji et Fulbert Sambou relancée, Bah Diakhaté visé encore

La famille de Didier Badji ne lâche pas l’affaire. Moïse Badji, résidant en Allemagne, au nom de la famille et des proches de l’adjudant gendarme en service à...

24 - Mai - 2024

Criminalisation de l’homosexualité : le député de Yewwi Askan Wi, Abass Fall, prêt à voter la loi

Le débat sur l'homosexualité a pris de l'ampleur suite à la conférence conjointe de Ousmane Sonko et Jean-Luc Mélenchon à l’Université Cheikh...

24 - Mai - 2024

Trafic de cocaïne : troisième retour de parquet pour la bande à Abdoulaye Seck, ouverture d’une information judiciaire

  Libération, qui donne l’information, rapporte que «le parquet a décidé d’ouvrir une information judiciaire comme c’est le cas dans les...

23 - Mai - 2024

Réduction du coût d’Internet : Ousmane Sonko annonce des concertations en cours avec les parties prenantes

En Conseil des ministres ce mercredi, le Premier Ministre est revenu sur les priorités gouvernementales, notamment sur la baisse des prix. À cet égard, Ousmane Sonko a...

23 - Mai - 2024

Wax ji doy na sëkk ! * (Par Vieux SAVANE)

De quoi toutes ces personnes qui semblent obsédées par l’homosexualité sont-elles le nom ? Simplifions les choses en rappelant que l’homosexualité est une...