LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE LA SANTE

04 - Janvier - 2020

Sur mille autres qui renseignent à suffisance sur l'état de santé de nos hôpitaux, je voudrais, si vous permettez, me pencher sur un (1) point seulement : le transport des malades.

Monsieur le ministre,

Sur mille autres qui renseignent à suffisance sur l'état de santé de nos hôpitaux, je voudrais, si vous permettez, me pencher sur un (1) point seulement : le transport des malades.

Dans l'hôpital où je travaille, seule UNE (1) ambulance fonctionne la nuit. Un seul chauffeur donc pour 12, 16, à 24h de garde. Eh oui, une seule personne pour toute cette charge de travail, je me demande d'ailleurs comment ils font pour tenir, ces braves gens... Le saviez-vous, monsieur le ministre ? Une (1) ambulance pour TOUS les services de l'hôpital y compris celui des urgences (SAU) qui, visiblement, vous préoccupent beaucoup.

Dans cette structure, monsieur le ministre, si le service de pédiatrie ou de gynécologie envoie l'ambulance - pour un transfert, ne disposant pas de bloc opératoire ou pas assez de place pour hospitaliser ; ou encore pour un examen para clinique quand la radiologie ou le laboratoire de l'hôpital ne fonctionne pas -, le SAU devra attendre que cette ambulance revienne pour transporter son malade à son tour. Ce, quels que soient la durée, la distance et les aléas (embouteillages monstres dans Dakar, accidents de la route, longue procédure à la structure de référence, etc.). Monsieur le ministre, dans pareille situation, que fait le si 2, 3, 4 urgences se présentent (fréquent en cas d'accidents de la circulation) en même temps, au mauvais moment ? Il désarmé, complètement perdu.

Sa tension est tellement perceptible que le patient d'en face ou un accompagnant ne manque de lui "remonter le moral" en ces termes pleins d'empathie : "Lii ngeen di daj ? Masta leen Docteur. Courage à vous, ce n'est vraiment pas facile"...

Dans ce cas de figure, monsieur le ministre, comment réussir la prouesse de transporter TOUTES les urgences qui atterrissent au SAU en ambulance ? Dans l'urgence, comment organiser un transfert sans faille ? - Les faire attendre à leurs risques et périls ? Combien de temps encore au juste avant que l'équipe de garde ne soit jetée en pâture si jamais les choses tournent mal ? - Appeler le SAMU ? Bonne idée ! Sauf que, monsieur le ministre, notre tout-puissant SAMU national a aussi ses limites. Malheureusement. Le croirez-vous si un soignant vous dit qu'il lui est arrivé, bien des fois, de passer de longues et pénibles heures de stress à attendre l'appel du SAMU qui est à la recherche d'une place pour un (1) patient, UN SEUL ?

La pression du médecin de garde (du SAMU) peut alors se ressentir à l'autre bout du fil. Il en veut, il recherche désespérément, mais il n'en trouve pas. AUCUNE place disponible dans les toutes les structures sollicitées. Et si ce SAMU national est utilisé comme moyen de transport - ce qui n'est pas sa mission première -, c'est alors à la famille du patient qu'il revient de payer les frais de déplacement (15 000F CFA, là où une maman, démunie, suppliera le caissier de ne pas lui facturer les 3 000F CFA de ticket de consultation...) Je vous passe les détails des réactions pré/post évacuation.

Pauvre médecin de garde, il devra prendre sur lui et encaisser les insultes destinées aux autres maillons de la chaîne. Monsieur le ministre, qu'auriez-vous fait devant toutes ces éventualités qui sont la triste réalité sur le terrain ? Médecin, sous équipé, avec très peu de moyens internes, comment réagiriez-vous pour assurer une prise en charge adéquate, dans les conditions optimales, offrir les meilleurs soins qui soient à un patient qui vous arrive en pleine nuit dans une situation d'extrême urgence ?

Avec votre permission, monsieur le ministre, je vous invite à faire un tour dans les services d'urgences la nuit - incognito - pour voir dans quel rythme les professionnels de la santé bataillent pour sauver des vies. Je peux vous garantir que certains de ces faciès vous resteront à jamais. En vous remerciant de bien vouloir apporter réponses à nos préoccupations, je prie que nous nous y mettions tous pour rehausser, à un niveau on ne peut plus respectable, le plateau technique de nos structures sanitaires.

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