MBEUBEUSS : 50 ans de calvaire pour les populations, c’est triste !

03 - Janvier - 2021

Àl'occasion du cinquantenaire de la décharge de Mbeubeuss, nous lançons une fois encore un cri de détresse, pour alerter les autorités et l’opinion sur le danger que représente cette catastrophe écologique dormante et sur l’urgence de lui trouver une solution radicale et définitive. Le problème de Mbeubeuss est à la fois sanitaire, social et environnemental qui concerne et préoccupe les populations de Malika, Keur Massar et Tivaouane Peulh.

Aujourd’hui, la décharge de Mbeubeuss se trouve au centre des habitations de Malika et Keur Massar et avec l’accroissement exponentiel de la population qui tend vers celle d’un département, c’est un véritable danger écologique imminent. Avec, le fameux programme « zéro déchet », Mbeubeuss reçoit plus d’ordures encore. Et en définitive la politique de l’État de « gestion » des ordures depuis plus de cinquante ans, ne se résume plus à ramasser simplement les ordures pour les étendre en plein air au milieu des habitations. Ainsi, 3 500 tonnes d’ordures sont déversées chaque jour à Mbeubeuss dans un espace inextensible qui ne plus recevoir davantage d’ordures. Et leur solution qui n’en est pas une, c’est de compacter les ordures pour les jeter dans le lac.

En outre, l’incinération des ordures dégage une fumée toxique et de mauvaises odeurs qui se propagent à des kilomètres en polluant ainsi l’air de toute la zone. Cette pollution est aggravée par les milliers de m3 de biogaz qui jaillissent des anciennes montagnes d’ordures comme un volcan en irruption. Les populations riveraines vivent dans le calvaire. Cela occasionne et cause des infections respiratoires aigües chez les populations et d’autres maladies plus graves comme le notent les centres de santé locaux à leurs premières consultations.

Sur le plan social, la décharge est une source d’insécurité pour les populations environnantes. C’est ainsi qu’avec la délinquance les agressions sont très fréquentes car la décharge sert de refuge aux malfaiteurs. Cette dernière favorise aussi la déscolarisation du fait des élèves qui font l’école buissonnière, de la prolifération des daaras dans les environs, tous ces enfants fréquentent le site pour s’adonner à des activités de récupération pour gagner de l’argent. Ainsi, l’on assiste fréquemment à des accidents mortels liés à l’exploitation anarchique du site. Mbeubeuss est continuellement en feu et des incendies graves et difficilement maitrisables s’y produisent souvent. Ce fut le cas, le 11 février 2018 et 26 janvier 2020 et les nuages de fumée étaient visibles dans toute la région de Dakar et, le 22 décembre 2016, il y avait eu 2 morts.

Et malgré la gravité de ce problème, l’État n’en fait pas une priorité, parce que les populations ne se soulèvent pas pour protester contre cet état de fait. En effet, le silence des populations arrange bien l’État, parce que cela lui permet de concentrer ses efforts ailleurs sur d’autres projets : TER, BRT, port minéralier, stade olympique, etc., renvoyant ainsi cet épineux et douloureux problème aux calendes grecques. L’État envisage la reconversion du site de Mbeubeuss dans un projet qu’il étale sur six ans, alors que durant tout ce temps les populations vont continuer de souffrir quotidiennement. Ainsi, il préfère opter pour une solution provisoire commode et facile, en continuant tranquillement l’exploitation du site et tout cela malgré les multiples recommandations de fermeture préconisées par des spécialistes de l’environnement.

Un site qui se trouve au centre des habitations.

L’État installe actuellement les cités Apix à l’est de Mbeubeuss avec obligation de fermeture de la décharge, dans la zone de recasement au sud. Et il continue malgré tout cela d’installer encore les populations impactées de la VDN et du BRT au nord de la décharge à moins d’un kilomètre.

Nous, riverains et victimes directes de cette décharge, nous avons le devoir et l’obligation de dénoncer cette attitude et cette indifférence de l’État face à notre situation devenue insupportable. Actuellement, il ne nous reste qu’à, collectivement et solidairement, nous battre pour notre survie et celle de nos familles pour exiger notre droit à un environnement sain.

Nous ne devons pas compter sur nos élus locaux. Oui, car, ils ont bien choisi leur camp compte tenu de leur appartenance à l’APR donc, ils ne porteront pas ce combat qui est nôtre. D’ailleurs, l’État a bien choisi son principal interlocuteur, c’est-à-dire les travailleurs de la décharge avec lesquels il est de connivence en partageant le même point de vue, ainsi que l’UCG qui se présentent comme les syndicalistes de récupérateurs.

Alors populations, devons-nous continuer à garder le silence pendant que l’État nous jette quotidiennement toutes les saletés de Dakar ? Dans tous les cas, si nous ne nous organisons pas pour entreprendre un combat contre cette situation, nous serons tous en danger. Et il n’y a aucun doute, si la situation perdure, nous serons tous, dans un proche avenir, internés dans des hôpitaux non seulement à nos frais mais aussi dans des conditions précaires et incertaines. Et nul d’entre nous ne sait ce qui adviendrait après, car beaucoup de personnes malades pourraient mourir à cause de cette pollution. Nous habitons Malika depuis des dizaines d’années, mais jamais des mesures sanitaires d’accompagnement n’ont été mises en place par les autorités pour pallier le problème.

En dehors des conséquences que nous, riverains, subissons au quotidien, il y a toute la population de Dakar et bien au-delà qui subit aussi inconsciemment les conséquences de cette décharge parce qu’elle consomme les produits agricoles, avicoles et autres issus de cette zone polluée.

Les populations voisines de Mbeubeuss dans leur totalité se sentent comme abandonnées par l’État et dénoncent avec une extrême vigueur cette attitude irresponsable et criminelle envers elles. Elles expriment aussi leur profonde indignation à l’endroit des autorités étatiques, municipales, religieuses et coutumières pour leur mutisme, pour le peu de préoccupation qu’elles ont pour la santé et le bien-être des populations. Elles ne s’occupent presque jamais de cette question de santé publique pourtant cruciale. Mais elles sont prêtes à mobiliser d’importants moyens humains, matériels et financiers pour des activités autres dont la cause est de loin beaucoup moins utile et importante.

Dans tous les cas, devant Dieu et devant l’Histoire, les pouvoirs publics sont les seuls responsables de tout ce qui arriverait demain à ces populations du fait de leurs responsabilités non assumées.

Ndiogou Malick Niang
Coordonnateur du Collectif Mbeubeuss Dafa Doye.

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