« MIGRATION, UN CANCER A POLYTHERAPIE INEFFICACE » (PAR MOMAR-SOKHNA DIOP)

06 - Novembre - 2021

Dans notre ouvrage « Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence » (Ed l’Harmattan, 2019), nous alertions la communauté internationale et en particuliers les autorités sénégalaises sur les dangers du phénomène « Barça ou Barçakh »( barçakh (Wolof) signifie Barcelone ou la mort). Nous n’avions pas été pas été entendus et la situation s’aggrave au point de devenir le principal thème de campagne des pays européens dont la France.
En effet, malgré toutes les pseudo-mesures prises, les candidats à la migration continuent d’augmenter. Les vagues continuent de déferler et de créer de fortes tensions sociopolitiques notamment en France.
La migration n’est pas un fait nouveau. Néanmoins elle s’est accélérée dans les années 1980 à cause de la dégradation des économies des pays du sud, dégradation organisée par les Politiques d’Ajustements Structurels (PAS) imposées par le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale. L’immigration explose. Elle est devenue massive et plus durable.
Toutefois il faut savoir que les populations ne quittent pas leurs terroirs par plaisir. Les dits migrants fuient leurs terroirs à cause de la pauvreté, des changements climatiques, des conflits, des répressions et des violations des droits de l’Homme.
Aussi, les politiques publiques imposées par les dirigeants de leurs pays ne permettent pas de créer des infrastructures capables de les mobiliser. Les ressources et richesses de leurs pays sont souvent gaspillées voire pillées par une élite politique dont le seul souci est de s’enrichir des deniers publics. Dans ces conditions, on ne pourra pas empêcher la ruée vers l’Europe.
Ce sont les seules raisons pour lesquelles les populations quittent leurs pays. Les principales destinations sont l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre, l’Allemagne et la France. Les raisons sont simples : d’une part, parce que ces pays constituent les anciens colonisateurs qui continuent d’ailleurs de profiter pour ne pas dire de piller des ressources minières des pays du sud et d’autre part, parce que les politiques sociales et les systèmes de solidarité des pays européens seraient plus attractifs.
En tous cas, tous ces pays d’Europe sont aujourd’hui affectés et déstabilisés par une immigration de masse. Ils se mobilisent pour l’éradiquer au moment où les pays africains les plus concernés s’en moquent.
En effet, comme le constate Makhily Gassama, « c’est l’échec de toutes les politiques africaines de développement ; l’échec des élites, qu’elles soient politiques surtout politiques-intellectuelles et économiques depuis la proclamation des fameuses indépendances ; cet échec constitue les vraies causes de ces déplacements massifs des populations africaines » (Sud Quotidien, Interview N° 7362 du mercredi 22 novembre, 2017).
Les pays africains n’ont toujours pas réussi à imposer sur le globe comme les autres continents en dépit de leurs immenses richesses naturelles, en dépit de leurs valeurs culturelles évidentes. Pourquoi ? Par manque de courage politique. Les politiques bradent notre dignité sans état d’âme sous le prétexte d’un realpolitik qui ne sert que leurs intérêts personnels et ceux de leurs complices. Quant aux relations extérieures, les dirigeants africains se contentent toujours de se livrer et livrer leurs pays à des puissances étrangères comme aucun continent ne l’a fait, et courir après des fauteuils, souvent en pataugeant dans le sang de leurs concitoyens avec le seul souci de les conquérir ou de s’y maintenir confortablement.
L’Europe, principal foyer d’accueil, est en permanente recherche de solutions efficaces. La France, propose plusieurs mesures qui ont pour objectif principal de faciliter les expulsions qui ne résoudront pas le problème car comme l’évoquait déjà le président Abdou Diouf, en 1991, dans le journal Figaro lorsqu’il plaidait pour un maintien de l’aide au continent africain « les pays du Nord risquent d’être envahis d’une multitude d’africains qui, poussés par la misère, déferleront par vagues. Et ils auront beau faire des législations contre l’émigration, ils ne pourront pas arrêter ce flot, car on n’arrête pas la mer avec ses bras… Il faut que les populations du Nord sachent qu’avec le Sud elles vivent dans le même village planétaire. Leur intérêt est d’aider l’Afrique à se développer » (Le Point, N°2370, 02/2018).
Près de 30 années après ces déclarations, on constate que le nombre de migrants augmente de manière exponentielle. L’aide au développement affectée particulièrement à l’Afrique subsaharienne baisse de 0,7 % et diminue de 141 millions d’euros en 2021 pour la part française comme l’annonce le ministre des comptes publics. Mais, l’aide publique au développement aide-t-elle vraiment l’Afrique? L’Afrique est-elle capable de soutenir son propre développement sans être assistée ? Ce sont ces questions que devait se poser Abdou Diouf et que ses successeurs et collègues au pouvoir doivent se poser. On voit bien que les autorités peinent à trouver des réponses et des solutions efficaces face à la migration.
Nous invitons tous les États qui nouent des partenariats avec le pays africains de réviser les accords de partenariat qu’ils nouent avec les Etats foyers d’immigration. Nous attirons leur attention sur la nécessité de changer de comportement face à la gestion des ressources et des deniers publics. Nous nous adressons particulièrement à la France pays le plus présent en Afrique. Si cette démarche n’est pas sérieusement engagée, si dans les années à venir l’Afrique ne dispose pas d’infrastructures éducatives, économiques et sanitaires décentes, la vague d’immigration va continuer à déferler et aucun pays ne pourra la stopper. L’insécurité et les mouvements extrémistes prospéreront, les actions terroristes se multiplieront et constitueront des menaces contre l’humanité tout entière. Il s’agit d’une des recommandations que nous avons formulées dans notre ouvrage « Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence » et nous espérons être entendus cette fois-ci afin d’éviter que l’immigration continue de fragiliser nos sociétés déjà paralysées par la pandémie Covid 19.

 

Momar-Sokhna DIOP
Professeur d’économie-gestion et écrivain

 

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