Pour une connaissance et un meilleur respect des règles du pèlerinage à la Mecque

28 - Août - 2019

Au moment où nos compatriotes reviennent du pèlerinage à la Mecque, il nous semble important d’établir un bilan. L’objectif est bien évidemment de tirer les bonnes leçons afin surtout de mieux organiser les prochains départs.
Selon le ministère saoudien du Hajj et de la Omra, « près de 2,5 millions de pèlerins ont accompli le Hajj cette année 2019 ».
Officiellement « 12800 sénégalais se sont rendus aux lieux saints ». En moyenne le voyage coûte 4000 euros soit 2 624 000 francs CFA sans compter toutes les sommes à dépenser pour les accessoires, les cadeaux et pour la célébration du retour, devenue un sport national durant lequel on gaspille énormément d’argent. La célébration des retours à la Mecque constitue également des moments anti productifs dont profitent nos concitoyens pour ne pas se rendre à leur travail. Chaque année, l’État sénégalais perd des milliards de francs CFA à causes des absences du fait des évènements religieux et culturels à caractère spirituel.
Nous avons toujours plaidé à ce que la religion reste une affaire personnelle. Mais au regard de la place qu’elle occupe au Sénégal, nous pensons utile d’en faire un débat de société à partir du moment où sa pratique prend des tournures qui ne correspondent pas aux recommandations établies.
C’est une alerte que nous avions lancée dans notre ouvrage intitulé « Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence ». Dans cet ouvrage nous rappelons que le pèlerinage à la Mecque constitue le cinquième pilier de l’Islam. L’Islam, c’est l’attestation de foi qu’il n’y a rien de divin que Dieu et que Mohamed est un messager de Dieu. Il s’agit également d’accomplir la prière, de s’acquitter de l’aumône purificatrice, de jeûner le mois de ramadan et d’effectuer le pèlerinage à la Mecque pour celui qui en a les moyens. Au Sénégal, nombreux sont nos concitoyens qui remplissent les conditions nécessaires.
Regardons-nous dans les yeux et soyons plus responsables vis-à-vis des pratiques qui font partie de notre quotidien et de notre patrimoine culturel. Aujourd’hui, nous sommes réduits au triste constat que le pèlerinage, comme la plupart des rites religieux sont devenus des phénomènes de mode. Ils mobilisent de plus en plus des personnes qui, souvent, n’ont pas les moyens physiques et financiers nécessaires.
Nombreux sont les sénégalais qui s’endettent pour aller à la Mecque ou qui acceptent de l’argent public ou privé douteux sans oublier ceux qui choisissent de partir tout en laissant derrières eux des familles dont les besoins sanitaires, alimentaires et sociaux vitaux ne sont pas correctement satisfaits.
Il n’est pas recommandé d’aller au pèlerinage dans ces conditions. Nous pouvons multiplier les exemples en ne citant que la tabaski ou fête du sacrifice, les Magal et les Gamou. Toutes ces manifestations religieuses font partie du quotidien des sénégalais. Elles mobilisent tout le pays à chaque fois qu’elles ont lieu. Nous devons les consolider, mieux les encadrer et en tirer tous les bienfaits attendus. Pour cela, il est indispensable d’éviter de les théâtraliser ou d’en faire des moments de prestige personnel.
Sur ces différents points, l’État a une grande part de responsabilité. Il doit combattre les pratiques qui consistent à utiliser l’argent public pour attribuer des billets à de la clientèle politiques. C’est une pratique courante devenue inacceptable. Elle est souvent entretenue par des élus qui cherchent à soigner leur image au lieu de satisfaire les doléances des populations qui les mandatent.
Sur le plan éducationnel, les règles semblent souvent méconnues voire mal apprises. C’est normal car, la langue arabe d’apprentissage fait que nos concitoyens apprennent aveuglément les textes sans en comprendre le sens. C’est pourquoi il s’avère important de réviser les méthodes pédagogiques utilisées dans les Daara et dans les établissements religieux.
Toutes ces manifestations pourraient s’organiser de façon bénéfique à condition que les citoyens connaissent et respectent les recommandations qui y sont associées. Ce travail de rappel est souvent fait par certains érudits et défenseurs des valeurs historiques du pays. Ce combat doit se poursuivre au point d’amener la majorité des sénégalais à appliquer tout simplement les règles. C’est le seul moyen d’éviter les amalgames. Nos guides religieux de référence ont, toute leur vie durant, combattu de telles attitudes.

Momar-Sokhna DIOP
Professeur d’économie-gestion et écrivain à Paris

 

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