PROCESSUS ELECTORAL : LES FORTES RECOMMANDATIONS DE LA SOCIETE CIVILE

22 - Août - 2019

Le Collectif des organisations de la Société civile pour les élections (COSCE), à travers l’ONG 3D, a présenté hier son recueil de contribution sur le parrainage électoral, le financement des partis politiques, la gestion électorale, le mode d’élection des maires et le bulletin unique. Les grands acteurs de cette initiative : Moundiaye Cissé, directeur exécutif de l’ONG 3D, Pr Mouhamadou Ngouda Mboup de l’Ucad, l’expert électoral Ndiaga Sylla et le coordonnateur de « Sunu élection» Valdiodio Ndiaye, ont fait chacun un exposé de 7mn et formulé des recommandations allant dans le sens de rendre le processus électoral national beaucoup plus transparent. L’Etat, qui a dépensé plus de 6 milliards durant les législatives du juillet 2017, s’est vu recommander d’adopter le bulletin unique pour les prochaines élections afin de faire des économies.
Le système de parrainage, le financement des partis politiques, la gestion électorale, le mode d’élection des maires et le bulletin unique : ces points ont fait l’objet d’un recueil de contribution que le COSCE a présenté hier au public. Selon Moundiaye Cissé, directeur exécutif de l’ONG 3D, Pr Mouhamadou Ngouda Mboup de l’Ucad, l’expert électoral Ndiaga Sylla et le coordonnateur de « Sunu élection», Valdiodio Ndiaye, ce recueil est une contribution pour toute compréhension utile des enjeux et défis du processus électoral ainsi que des responsabilités des acteurs politiques.
Parrainage impossible pour les locales
Dans son exposé portant sur les réformes à apporter au parrainage, l’enseignement-chercheur en droit public à l’Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup, a souligné beaucoup d’errements dans ce système. D’après le constitutionaliste, ce système de parrainage a posé un certain nombre de problème dans ses modalités d’application lors de la présidentielle du 24 février dernier. Notamment dans le système de collecte de parrainages, sur les supports utilisés, dans le contrôle du parrainage qui, selon lui, peut porter atteinte à la liberté de candidature et aux droits fondamentaux des personnes qui ont essayé de faire la collecte du parrainage. S’agissant des prochaines élections locales, le Pr Mouhamadou Ngouda Mboup est d’avis que « matériellement et techniquement, le parrainage en l’état actuel des textes, est impossible pour les élections locales. Parce que ces élections sont très complexes et multiformes en raison du fait qu’en réalité on n’élit pas une personne, on élit des élus territoriaux. A cet effet, le Sénégal compte 557 communes et 45 départements. Dans toutes ces localités, on doit faire du parrainage. Et au-delà, on doit aussi faire des contrôles dans toutes ces localités. Ça risque donc d’être un contrôle très fastidieux » a-t-il estimé. Ainsi, pour faire face à cette tâche compliquée, le Pr Ngouda Mboup préconise de faire un toilettage des textes, de revenir à la réforme « c’est-à-dire faire en sorte que le législateur puisse mettre dans la loi des dispositions nouvelles qui permettront tout simplement d’avoir un parrainage moins lourd, l’objectif étant de faire en sorte que le parrainage, qui est un filtre, ne puisse pas devenir un bouchon. Mais au-delà aussi, il s’agira de préserver la dignité du scrutin de manière à permettre à ce niveau d’avoir des élections locales bien disputées et que le critère démocratique soit préservé » a ajouté l’enseignant - chercheur en droit public à l’Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup. Sur ce point du parrainage, le COSCE préconise cinq fortes recommandations. Il s’agira, en premier lieu, de créer une plateforme centralisée de réception pour la collecte et la transmission, en temps réel, des signatures. Deuxièmement, de rétrécir le nombre de champs à vérifier au strict nécessaire. En troisième lieu, il conviendra de lever le plafond des parrainages à défaut d’élever le pourcentage maximum requis. La quatrième proposition vise à unifier le contrôle à travers la création d’une Commission nationale de contrôle et de vérification des parrainages (CNCVP). Last but not least, il s’agira de créer des organes décentralisés de contrôle (CDCVP) et les pourvoir de moyens technologiques adéquats.
Financements des partis politiques : les 7 recommandations de la Société civile
Dans son exposé sur la proposition de formes de financement des partis politiques, l’expert électoral Ndiaga Sylla a estimé que l’objectif est de voir comment réduire les partis politiques sans faire de la discrimination. « La problématique du financement des parti politiques soulève principalement la question qui garantit le principe des inégalités entre les formations politiques. Il est vrai que la législation garantit le principe d’égalité et d’équité dans le traitement des partis politiques (les conditions de formation, de fonctionnement et de participation aux élections). Aussi, la loi électorale prévoit la prise en charge par l’Etat des dépenses liées à la préparation et à l‘organisation des élections. Mais l’absence de financement public direct et non réglementaire des dépenses de campagne constitue des tares de notre système partisan. D’où les nombreuses campagnes menées à ce sujet et qui ont conduit plus tard à des réformes » a souligné Ndiaga Sylla, expert électoral. Sur ce point du financement des partis politiques, le COSCE a fait 7 recommandations. Il s’agit d’abord d’adopter une législation sur le financement public direct et indirect des partis politiques. En deuxième lieu, définir des critères d’éligibilité au financement public des partis politiques. Troisièmement, veiller à l’utilisation judicieuse des fonds publics en fixant les types de dépenses à supporter par ces fonds. Quatrième recommandation : Instaurer un plafonnement des dépenses de campagne électorale. Ensuite, prévoir le remboursement de certaines dépenses de campagne électorale. Retenir la promotion des jeunes, des femmes et des personnes vivant avec un handicap dans les critères de financement des partis. Septième proposition : créer un organe indépendant chargé de la gestion du financement des partis politiques et de la régulation des dépenses de campagne électorale.
Ce que le Sénégal gagne avec le bulletin unique
Selon Valdiodio Ndiaye, coordonnateur de « Sunu élection », le Sénégal a tout intérêt à suivre les autres pays africains qui utilisent le bulletin unique pour les élections. A l’en croire, l’usage d’un bulletin unique garantit l’intégrité du vote. « Nous avons une pratique au Sénégal, en Afrique général, qui est la corruption électorale. Le jour du vote, il est souvent arrivé que les leaders politiques demandent à leurs militants de voter pour X candidat et de leur ramener les autres bulletins de vote. Cela est devenu récurrent hors de Dakar, dans les autres villes du pays. Si on adopte le bulletin unique, sur ce point au moins ce débat ne va plus se poser. Cela va assurer l’intégrité du vote » assure le coordonnateur de « Sunu élection », Valdiodio Ndiaye. « Nous avons constaté que si le bulletin unique est appliqué pour des élections avec plus de 5 candidats, ça peut nous faire des économies de plus de 5 milliards. On a vu pour les législatives du 27 juillet 2017, nous avons dépensé plus de 6 milliards pour l’impression des bulletins. Alors que s’il y avait eu un bulletin unique, on aurait dépensé en tout et pour tout 1 milliard » a indiqué le secrétaire exécutif de l’ONG-3D, Moundiaye Cissé. En termes de recommandations, le COSCE estime que le bulletin unique pourrait être adopté aux élections de listes (législatives, HCCT, locales) lorsque le nombre de listes de candidats est supérieur à dix. Le BU est appliqué systématiquement à l’élection présidentielle lorsque le nombre de candidats est supérieur à cinq. Sur la détermination de l’ordre des candidats et listes sur le BU, il est préconisé l’application du consensus de 2011 : le tirage au sort pour déterminer la position des candidats ou liste des candidats sur le bulletin unique. Sur le modèle de BU, le COSCE souhaite un bulletin modélisé, sécurisé et lisible dont le format sera déterminé en fonction du nombre de candidats et listes de candidats en lice. Il est aussi demandé de mener une vaste campagne de communication et de sensibilisation des électeurs sur l’usage du BU, de concevoir un modèle de bulletin unique authentifié et sécurisé, imprimer et diffuser des spécimens de bulletin unique modélisé.
Elire le maire, ses adjoints, le président du Conseil départemental et le président de l’Assemblée nationale au suffrage universel direct
« Nous avons réfléchi sur le mode d’élection des maires. Depuis toujours, ça été un combat de la société civile pour que les maires soient élus au suffrage universel direct pour que la volonté des électeurs ne soit pas dévoyée. Parce que, on a vu qu’après avoir choisi les conseillers municipaux, les citoyens n’ont aucune maitrise sur la suite par rapport au processus de l’élection des maires. Nous pensons que même le président de l’Assemblée nationale doit être aussi élu au suffrage universel direct » a expliqué le secrétaire exécutif de l’ONG 3D, Moundiaye Cissé. Selon lui, le COSCE a développé plusieurs options sur ce point. Le maire est élu au suffrage universel direct sur la base d’un scrutin de liste complète sans panachage, ni vote préférentiel. Est directement élu Maire, le candidat occupant le 1er rang de la liste majoritaire. Dans ce cas de figure, le conseil municipal élit en son sein les adjoints au maire au suffrage universel direct. Une autre option, c’est que le maire et ses adjoints sont élus concomitamment au suffrage universel direct.
En cas de vacance du poste de maire, il est pourvu à son remplacement par le premier adjoint remontant d’un rang. Une autre option, le maire de la ville est élu par un collège électoral composé des conseillers provenant des communes constitutives à la majorité des 3/5 des membres composant ce collège. Le président du conseil départemental est élu au suffrage universel direct. Les conseillers départementaux sont désignés au niveau de chaque conseil municipal. Sur ce point, le COSCE a aussi fait des recommandations générales. On peut retenir notamment : Interdire le cumul des fonctions de membres des exécutifs nationaux et ceux locaux (ex. Nul ne peut être à la fois ministre et maire, ou membre du bureau de l’Assemblée nationale et membre du bureau d’un conseil local, Restreindre à deux (2) le nombre de mandats consécutifs des élus locaux.
Gestion électorale au Sénégal
« La mise en place des organes de gestion électorale, indépendants, crédibles et capables de garantir l’intégrité des processus électoraux est une condition essentielle à la tenue d’élections transparentes, libres et justes conformément à la Déclaration de l’Union sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique » indique le COSCE. Dans son travail, il a passé au peigne fin l’évolution du cadre de gestion électorale au Sénégal. Un processus qui a abouti à la création de l’ONEL en 1997, puis la direction générale des élections en 1997, la CENA en 2005. Evoquant les limites du dispositif actuel, le COSCE relève que « la tutelle exercée par le ministre de l’Intérieur-militant du parti au pouvoir suscite constamment des suspicions des acteurs politiques sur la neutralité de l’Administration. Or, celle ci doit accomplir ses tâches de manière impartiale et objective sans ingérence politique. Cette crise de confiance pollue les rapports entre l’Administration électorale et les acteurs politiques et entraîne la rupture du dialogue ».
Créer un ministère chargé des élections et de la Modernisation du système partisan
Le COSCE préconise de trouver une formule qui puisse mettre à profit l’expertise de l’Administration sans remettre en cause l’indépendance de la Commission électorale. Il souhaite la création d’un ministère chargé des élections et de la Modernisation du système partisan. A en croire Moundiaye Cissé et compagnie, ce département ministériel devra être conduit par une personnalité consensuelle sur la base des critères de neutralité et d’impartialité. Ils préconisent aussi de revoir la composition, le mode de désignation et la durée du mandat des membres de la CENA. Cette dernière sera chargée de la préparation, de l’organisation et de la supervision des opérations électorales et référendaires. La CENA sera composée de quinze personnalités neutres et impartiales (2/3) et de représentants de partis politiques (1/3). Ces derniers n’auront pas une voix délibérative.
Le Temoin

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