QUAND L’ETAT TROUBLE L’ORDRE PUBLIC ! ( PAR ABDOULAYE THIAM )
Trois morts ! Il s’agit d’un enfant sortant d’une gargote qui a pris feu à cause d’une grenade lacrymogène lancée par des Forces de sécurité, à Colobane, quartier populeux de Dakar. Deux autres qui auraient succombés sous le poids de balles, à Bignona et à Ziguinchor. Des leaders de l’opposition (Déthié Fall, Ahmeth Aïdara etc.) arrêtés. Ousmane Sonko placé presque en résidence surveillée. Barthelemy Dias bloqué dans les ruelles de Mermoz.
Dakar, une capitale, quadrillée par des forces de l’ordre. Des élèves qui n’ont pas pu se rendre à l’école parce que leurs parents craignaient le pire. Une station-service sise à Colobane saccagée. Des magasins fermés. Des fonctionnaires qui ont déserté leur bureau dès les premières heures. D’autres, pires que des sénateurs, avaient déjà anticipé leur week-end en se rendant dans les stations balnéaires.
Bref, ce sont encore des milliards de F CFA qui sont perdus en une demi-journée hier, vendredi 17 juin. Tout ça à cause d’une manifestation interdite par le Préfet de Dakar à partie de l’opposition sénégalaise, fut-elle la plus significative.
C’est l’image hideuse que le Sénégal a renvoyée à la face du monde. Et dire qu’on aurait dû éviter tout ce vacarme si et seulement si, les acteurs politiques étaient mus par des intérêts généraux, par la consolidation de notre démocratie, par l’ancrage de la liberté d’expression. Que nenni ! Ils sont tous mus par des appétits carnassiers usant et utilisant le peuple comme de la chair à canon.
Refuser une manifestation pacifique sous le prétexte plus que fallacieux de troubles à l’ordre public n’a aucun sens. Hélas, les régimes se suivent et se ressemblent. L’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade a vécu de pires réprimandes, des arrestations les plus viles, des accusations imaginaires. Ce qui ne l’a pas empêché de faire voter des lois scélérates une fois à la magistrature suprême. L’actuel Chef de l’Etat, Macky Sall s’est vu accuser de tous les pêchés d’Israël par le régime précédent, jusqu’au blanchiment d’argent. On croyait alors que les Sénégalais avaient retrouvé la plénitude de leur liberté telle stipulée dans notre charte fondamentale notamment, en son article 10. Mais on n’aura encore déchanté. Comme à l’époque des interdictions des appels à manifester sous Abdoulaye Wade, il y a eu encore hier, plus d’agents de Forces de l’ordre en treillis et/ou en civils que de manifestants. La circulation a été bloquée un peu partout dans la capitale.
Pour manifester leur courroux, des jeunes révoltés ont brûlé des pneus ça et là, rendant Dakar irrespirable. Alors qu’une simple autorisation aurait pu nous éviter tous ces désagréments et des milliards perdus dans le vent. Hélas, quand c’est l’Etat lui-même qui trouble l’ordre public face à une opposition qui attise le feu, le peuple va continuer de boire le calice jusqu’à la lie. Reste à savoir qui va éviter le Sénégal de toucher le précipice.