QUAND LE SENEGAL SE GLORIFIE D’UNE VICTOIRE VENUE D’AILLEURS

29 - Mai - 2019

Les distinctions des réalisateurs franco-sénégalais Mati Diop avec le Grand Prix du Festival de Cannes 2019 et Alain Gomis avec l’Etalon d’Or du Yennenga au Fespaco 2017 ont été accueillies comme des victoires du cinéma sénégalais. Le ministre de la Culture et même le Président de la République ont montré leur joie. Et pourtant ! «Atlantique» de Mati Diop a coûté environ 1 milliard 400 millions de F Cfa alors que «Félicité» d’Alain Gomis, c’est à peu près 800 millions. Des montants qui dépassent ou avoisinent même le budget du Fopica estimé à 2milliards de F CFA. Le cinéaste Mansour Sora Diop et le journaliste et critique de cinéma Baba Diop donnent leur point de vue.

L e Sénégal a crié victoire pour le sacre de la réalisatrice franco-sénégalaise, Mati Diop qui a remporté le Grand Prix de la 72ème édition du Festival de Cannes pour son film « Atlantique ». Il en avait fait de même en 2017 lors qu’un autre réalisateur francosénégalais, Alain Gomis avait décroché l’Étalon d’or de Yennenga pour son film «Félicité» lors de la 25ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision d’Ouagadougou (Fespaco). En effet, quand on sait que ces deux réalisateurs sont des binationaux et que ces films sont financés à majeure partie par des étrangers, l’on peut se demander si réellement c’est le cinéma sénégalais qui a gagné.

Le journaliste et critique de cinéma, Baba Diop dépassionne, quant à lui, le débat. « Il est vrai qu’ils vivent en France mais ils travaillent au Sénégal. Donc, c’est le cinéma sénégalais qui a gagné même si nous partageons le financement avec la France car, la logique du cinéma, c’est la coproduction». Il renchérit : «Atlantique est un film sénégalais de par les techniciens qui ont l’ont joué, de par les comédiens, de par les décors, de par l’habillement». Le cinéaste Mansour Sora Diop prend le contre-pied du journaliste et critique de cinéma. «Le film d’Alain Gomis a été financé à 80 voire 90% par la France. Le film de Mati Diop aussi a été financé à la même hauteur. La participation du Sénégal est peut-être des 10%. Donc, je ne peux pas admettre qu’à chaque fois qu’il y’a un tel évènement, quand un tel film est primé dans les grands festivals que le Sénégal se glorifie», martèle Mansour Sora Diop.

A l’en croire, c’est «l’arbre qui cache la forêt». Pour cause, les problèmes persistent encore dans le secteur du cinéma. «A chaque fois qu’on le fait, on a l’impression que le cinéma sénégalais se porte bien. Or, ce n’est pas la peine d’attendre qu’il y’a un moment comme ça pour faire autant de cris. Nous ne pouvons pas à chaque fois quand il y’a des évènements comme ça, on se glorifie, on fait des grandes délégations en disant que le Sénégal a gagné alors qu’il n’y a pas encore de véritable relance du cinéma», dixit Mansour Sora Diop. Sur ces difficultés qui gangrènent le cinéma sénégalais, Baba Diop n’en disconvient pas. «Hormis le Fopica (Fonds de promotion de l’industrie cinématographie et audiovisuel), nous n’avons pas de mécanismes qui peuvent financer les films. Forcément, on va aller chercher des coproducteurs pour le financer. Il faut avoir des producteurs à la dimension d’Oumar Sall. Or, ici, nous avons un cinéma de cinéastes. Ils croient que le cinéma leur appartient. Or, le cinéma est une chaine. Vous avez les producteurs, les réalisateurs, les comédiens, les salles de cinéma. Tout cela participe au fonctionnement du cinéma. Si vous n’avez de distributeurs, de salles, vous avez beau faire des films, ils vont circuler dans les festivals seulement mais, ils ne seront pas vus dans leurs territoires», dit-il.

En effet, le Fopica estimé à un montant de 2 milliards de F Cfa, est loin de régler le problème, confie Mansour Sora Diop. «Il faut qu’on mette en place une véritable politique cinématographique pour qu’il ait une vraie production. Si le Sénégal décide de mettre 200 millions, 250 millions ou même 300 millions sur un film, on pourra arriver à faire des films qui ne sont pas chers parce que chaque production est adaptée à son contexte car le Fopica ne peut pas, tout seul, financer les films sénégalais», soutient le cinéaste.

sud

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