Quand les «liifs» et les lacrymos supplantent le dialogue national

17 - Juin - 2019

Décidés à se rassembler dans l’après-midi du vendredi 14 juin dernier à la place de la Nation pour exiger que la lumière soit faite sur la gestion des ressources naturelles de notre pays, les membres de la plateforme « Aar Li Nu Book » ont été violemment réprimés par les forces de l’ordre. Il faut dire que la manifestation prévue avait été interdite par les autorités.

Le rassemblement de protestation de la plateforme citoyenne « aar li nu Book » contre la spoliation des ressources hydrauliques nationales a donné lieu ce vendredi 14 juin à des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Malgré l’interdiction annoncée tard dans la soirée de jeudi par le préfet pour cause de « menaces réelles de troubles à l'ordre public, incitation à la violence à travers des propos irrévérencieux à l'endroit des institutions publiques, risques d'infiltration par des individus malintentionnés », les initiateurs ont tenu à honorer leur engagement consistant à se regrouper à la mythique place de la nation pour exiger la lumière sur la gestion de nos ressources pétrolières et gazières. Puisque l’intention du gouvernement était d’empêcher ce rassemblement qui, d’après les services de renseignement, allait drainer du monde, le préfet a envoyé, dès potron minet, les forces de sécurité investir les lieux et empêcher toute velléité de rassemblement. La société civile, l’opposition et les citoyens ont tenu coûte que coûte à manifester mais les forces de l’ordre avaient reçu injonction de ne laisser personne manifester. Une détermination de part et d’autre qui ne pouvait que déboucher sur des heurts et des affrontements entre policiers et manifestants. Des échauffourées qui ont opposé manifestants et forces de l’ordre à colobane et dans les rues de la Médina. La manifestation qui a rassemblé des milliers de personnes a donné lieu à des arrestations particulièrement musclées. Parmi les personnes arrêtées figurent principalement les activistes de Yen a marre, de frapp france dégage, de nitu dëg et du front national de résistance dont l’amazone Maïmouna Bousso, exaspérée, a laissé éclater sa colère avant d’être appréhendée. « Je suis attristée de voir une telle chose dans un pays démocratique. Les acquis démocratiques sont piétinés par le régime de Macky Sall. Aujourd’hui, les jeunes sont sortis pour réclamer leurs droits : le droit à la manifestation, le droit à la lumière sur la gestion de leurs ressources naturelles. Nous ne pouvons pas comprendre qu’un préfet se permette de prendre un arrêté anticonstitutionnel, antidémocratique dans le seul but d’empêcher à des citoyens de jouir d’un droit constitutionnel. C’est dommage mais nous n’allons jamais accepter cela. Parce que des Sénégalais ont accepté de sacrifier leur vie pour que la démocratie et la bonne gouvernance puissent être une réalité dans notre pays » a-t-elle crié haut et fort avant d’être embarquée dans le fourgon de la police.

C’est pour exiger, comme l’a déclaré Maïmouna Bousso, une amélioration de la gouvernance des ressources naturelles, un dialogue inclusif autour des questions majeures de la nation que des forces citoyennes et politiques ont voulu se regrouper à la mythique et symbolique place de la nation ce vendredi 14 juin. au lieu de les écouter, le gouvernement du président Macky Sall n’a trouvé d’autre solution que d’interdire le regroupement avant de réprimer sans aménités les manifestants. Lesquels ne faisaient pourtant qu’user de la liberté constitutionnelle de se rassembler. Ils ont été matés et matraqués au nom de prétendus troubles à l’ordre public qu’ils auraient pu provoquer. Hélas, quand on interdit régulièrement les manifestations des citoyens pour menaces « de troubles à l’ordre public », on finit par créer soi-même ces troubles à l’ordre public du fait de l’illégalité des mesures qu’on prend ! Quand on interdit une manifestation de citoyens pacifiques sous la crainte fantasmée « d’incitation à la violence à travers des propos irrévérencieux à l'endroit des institutions publiques », c’est manqué de révérence au professionnalisme de notre police capable d’encadrer des centaines de milliers de manifestants sans couac ni débordement.

Ne pas dresser la police
du peuple contre le peuple
Jamais de mémoire de Sénégalais, on n’avait vu à la place de la nation un aussi important dispositif sécuritaire et un aussi sophistiqué arsenal répressif que celui déployé vendredi dernier par le ministre de l’intérieur. Ce dans le seul but d’empêcher un rassemblement de pacifiques citoyens. des renforts sont même venus des départements de Pikine et rufisque pour appuyer les effectifs de dakar et le sous-préfet djiby diallo alias Jack Bauer était descendu, furax, sur le terrain, comme commandant des troupes afin de faire appliquer sa stratégie de répression. Certainement que son zèle ostentatoire sera récompensé d’une promotion l’un de ces mercredis à venir pour services rendus à sa Majesté. Mais ce que ce sous-préfet et le préfet Alioune Badara Samb oublient ainsi que leur patron, le ministre de l’intérieur, et le Président Macky Sall, c’est que les Sénégalais refuseront toujours de se plier devant ces décisions d’interdiction illégales qui violent l’article 10 de la constitution. Dire qu’on interdit une manifestation parce qu’il y a risque de troubles à l’ordre public et tentative d’infiltration, c’est insulter l’expertise et le professionnalisme de nos policiers. Si aujourd’hui, notre police ne peut pas encadrer une manifestation pacifique, si elle ne peut pas, sur la base des renseignements généraux identifier et extirper les corps étrangers nuisibles d’une manifestation, il y a de quoi se poser des questions sur cette institution réputée être l’une des plus professionnelles d’Afrique. A hong-Kong, plus de deux millions de personnes ont manifesté ce dimanche 16 juin, sous l’encadrement de la police locale, pour réclamer pacifiquement le retrait d’un projet de loi visant à extrader les opposants vers la grande chine. Si la police chinoise a pu le faire, pourquoi la notre serait-elle incapable d’encadrer une manifestation de quelques milliers de personnes tout au plus ? Donc pourquoi vouloir sous-estimer la capacité et le professionnalisme de notre police nationale par de pseudo-prétextes qui cachent mal la volonté du préfet de Dakar de satisfaire les desiderata du régime ?

Il ne faut pas, au nom d’une cause singulière qui ne concerne qu’un quarteron d’affairistes enivrés par l’odeur du gaz et du pétrole, qu’on mobilise cette police du peuple pour la dresser et la mettre en mal avec ce peuple avec qui elle partage les mêmes préoccupations et les mêmes souffrances. Malheureusement au lieu de trouver des réponses adéquates pour le bonheur de tous, le régime contraint la police à réprimer la manifestation à coups de matraques, de gaz lacrymogène et d’eau chaude.

La répression féroce et digne des régimes dictatoriaux du 14 juin est intervenue au moment où un dialogue national entre majorité, opposition et société civile est engagé pour discuter des problèmes politiques, économiques et sociaux qui assaillent pays. La constitution a fixé les droits et les devoirs de tout citoyen et chacun, à quelque niveau qu’il puisse se trouver, doit s’y conformer. Ni le pré- sident Macky Sall, ni le ministre de l’intérieur Ali ngouille ndiaye ni le préfet et le sous-préfet de dakar ne sont au-dessus de la loi fondamentale. ainsi, les conséquences d’une telle répression pourraient être la rupture de confiance entre le gouvernement et l’opposition, la remise en cause du sens même du dia- logue national. Il ne sert à rien de parler de dialogue national si on ne peut pas permettre à des citoyens d’utiliser un cadre légal pour dialoguer entre eux. et si le gouvernement s’obstine à refuser illégalement à des Sénégalais de choisir la rue pour exprimer leurs besoins en matière de bonne gouvernance, il y a de quoi douter de la sincérité et de la pertinence à poursuivre les travaux du soi-disant dialogue national.

Les Sénégalais, depuis le virage démocratique de l’an 2000, sont exigeants et intransigeants en matière de transparence dans la gestion des finances publiques et des ressources naturelles et aussi en matière de bonne gouvernance. Si Abdoulaye Wade a été chassé du pouvoir en 2012, c’est parce que lui et sa progéniture s’étaient accaparés le patrimoine du pays. Hélas le président Macky Sall, qui a installé sa famille et sa belle-famille dans tous les secteurs lucratifs de l’Etat, semble n’avoir pas compris cette prise de conscience citoyenne qui refuse la mainmise de la famille présidentielle sur les biens de la nation. Rien ne peut empêcher les Sénégalais d’exprimer dans la légalité leur ras-le-bol face à des pratiques maffieuses. Les dictatures les plus féroces et les plus tenaces finissent toujours par s’écrouler devant l’opiniâtreté des peuples friands de liberté et démocratie. Allez donc demander à Bouteflika et Omar el Béchir !

Le temoin

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