Quel est le bilan économique de François Hollande ?
Depuis 2014, François Hollande et son gouvernement ont appliqué une politique de l'offre. Pour quels résultats ?
François Hollande n'étant pas candidat à sa propre succession à l'Elysée, dressons un bilan de son action économique. Son action ? En préambule, rappelons que François Hollande ne peut porter seul la responsabilité de la politique économique menée au cours de son quinquennat et de son impuissance à redresser la compétitivité du made in France. Ce serait trop facile.
Manuel Valls, son Premier ministre depuis 2014, Arnaud Montebourg, qui a été successivement ministre du Redressement productif puis ministre de l'Economie entre 2012 et 2014 et Emmanuel Macron, le secrétaire général adjoint de l'Elysée puis ministre de l'Economie de 2014 à 2016 ont également leur part de responsabilités. Non ?
Si Manuel Valls se déclare éventuellement aux primaires socialistes, il sera intéressant de parcourir leurs propositions dans le domaine économique. Si elles diffèrent des mesures actuellement appliquées, ce qui n'est pas certain, il faudra essayer de comprendre pour quelles raisons ils ne les ont pas portées lorsqu'ils étaient en responsabilité.
Une politique de l'offre assumée
"C'est l'offre qui crée la demande " avait déclaré François Hollande, le président de la république lors d'une conférence de presse organisée en janvier 2014, lors de la présentation du Pacte de responsabilité qui prévoyait des allègements pour les entreprises. Une mesure qui est venue s'ajouter au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) lancé en 2014 et que viendra ensuite compléter le suramortissement de l'investissement en avril 2015 qui est toujours en vigueur.
Après le choc fiscal appliqué aux entreprises entre 2011 et 2013, le gouvernement n'a pas lésiné sur les moyens. Le coût pour les finances publiques s'élève à environ 10 milliards d'euros par an, ce qui en fait la principale dépense fiscale de l'Etat loin devant le crédit impôt recherche (CIR). Au total, ce sont près de 40 milliards d'euros d'allègements fiscaux qui ont été accordés aux entreprises depuis 2014.
Pour quels résultats ? La politique de l'offre menée depuis 2014 par le gouvernement porte-elle ses fruits ? L'emploi repart timidement, mais pas assez vivement pour inverser la courbe du chômage.
Grâce au CICE et aux mesures du Pacte de responsabilité, le coût du travail dans l'industrie a reculé au point d'être désormais moins élevé que celui observé en Allemagne. Ce n'est pas encore le cas dans les services mais, selon Bercy, le coût du travail dans le tertiaire suivrait cette même tendance. Ce point est important. Selon les théoriciens de la politique de l'offre, la baisse du coût du travail doit être globale pour être efficace et renforcer réellement la compétitivité des entreprises.
En restaurant un peu de concurrence dans certains secteurs, la loi Macron poursuivait ce but. Mais compte tenu du nombre très limité des secteurs concernés par ce texte - pourtant très commenté à droite et à gauche - son impact sur l'économie est faible.
Cette baisse du coût du travail explique l'augmentation du taux de marge. Après avoir touché un plancher historique 29,7% de la valeur ajoutée en 2014, consécutivement celui-ci remonte progressivement. Il devrait atteindre 31,8% à la fin de l'année. Il s'élevait à 41% en 2007.
Résultat, l'investissement progresse, mais ses effets sur l'économie ne sont pas réellement visibles, à l'exception d'un creusement du déficit commercial. Faut-il rappeler que l'investissement des entreprises ne représente que 23% de la consommation des ménages et 12% du PIB. Son impact est donc assez faible sur l'activité et l'emploi, comme en convient l'entourage de Michel Sapin, le ministre de l'Economie et des Finances. Le PIB devrait progresser de 1,4% cette année selon Bercy et de 1,3% selon l'Insee. Il y a quelques semaines encore, c'est une augmentation de 1,5% du PIB qui était attendue. Seule satisfaction, cette croissance moins forte que prévue ne devrait pas empêcher la France de tenir ses engagements vis à vis de Bruxelles en matière de réduction de déficit public.
Les dépôts bancaires ont fortement augmenté
Si, sur le plan macroéconomique, cette politique de l'offre n'affiche pas de résultats pleinement satisfaisants, il en est autrement dans le domaine financier.
Selon les statistiques de la Banque de France, entre juin 2014 et juin 2016, les dépôts bancaires des entreprises non financières ont fait un bond de 78,2 milliards d'euros pour atteindre 309,2 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 33%. Selon la dernière enquête sur la trésorerie des entreprises réalisée par COE-Rexecode, l'argent liquide, le cash demeure le "placement" privilégié par les trésoriers interrogés...
Sur la même période, selon l'Insee cette fois, l'investissement des entreprises non financières a fait un bond de 10,7 milliards d'euros.
Au regard de ces statistiques, on pourrait donc en conclure que la remontée du taux de marge des entreprises leur a donné un peu de marge de manœuvre pour financer la modernisation de leur appareil productif ? L'industrie du futur est sur les rails !
Sauf que la réalité est toute autre. Les entreprises n'ont pas autofinancé ces investissements. Pour moderniser leurs équipements, elles ont eu recours à l'emprunt bancaire, profitant de la faiblesse des taux d'intérêts qui est la conséquence de la politique monétaire ultra accommodante de la Banque centrale européenne (BCE). Selon la Banque de France, les encours de crédit bancaire ont augmenté de 75,9 milliards d'euros entre juin 2014 et juin 2016 pour dépasser les 902 milliards d'euros, en progression de 9,1% sur la période.
Des niveaux de défaillances très élevés
Quelles conclusions peut-on tirer de cette batterie de chiffres ? Globalement, la situation financière des entreprises s'est nettement améliorée depuis deux ans. Bien entendu, cette situation doit être relativisée. Le niveau de défaillances d'entreprises reste excessivement élevé, proche de celui observé au pic de la crise en 2009. Trop de TPE et de PME, et dans une moindre mesure d'ETI souffrent de problèmes de trésorerie. Selon le rapport annuel de l'Observatoire des délais de paiement, les retards de paiement expliquent 25% des cas de faillite dont le nombre peine à passer sous la barre des 60.000. Un niveau proche des sommets atteints sur la période 2009-2011.
En clair, l'augmentation des dépôts à vue des entreprises s'explique par celle des emprunts, les gains financiers offerts par l'augmentation du taux de marge ayant une influence bien minime sur leurs décisions d'investissement.
Les entreprises investissent, mais avec prudence
La volonté de la BCE d'encourager la circulation de ces liquidités via des taux d'intérêts négatifs se heurte donc à une certaine passivité de la part des entreprises. Les établissements bancaires ont beau jeu de se plaindre de cette situation, qui affecte leur rentabilité. Mais ils oublient de préciser que les dépôts qu'ils ont à gérer et faire fructifier ont nettement augmenté pendant la période récente.
Que faudrait-il pour que ces liquidités placées dans les banques retrouvent le chemin de l'économie réelle ?
Si les entreprises ne prennent pas plus de risques, si elles n'investissent pas plus, c'est pour une série de raisons. On peut toujours évoquer les incertitudes entourant leur avenir. L'instabilité fiscale, les pesanteurs réglementaires et normatives, la prochaine élection présidentielle sont autant de facteurs qui peuvent inciter les entreprises à ne pas investir davantage. On peut les comprendre.
Mais plus que ces incertitudes, c'est la faiblesse de la demande qui semble surtout constituer le principal frein à une véritable reprise de l'investissement.
La consommation résiste mollement et le déficit commercial se creuse
Certes, la consommation des ménages résiste. Elle devrait progresser de 1,5% cette année. Mais elle est loin d'afficher des taux de croissance comparables à ceux observés au cours des années 2000, jusqu'à la crise de 2008-2009, période au cours de laquelle elle augmentait chaque année de 2,2% en moyenne.
Certes, les dépenses de consommation des administrations progressent encore. Mais elles visent essentiellement à assurer leur fonctionnement, les dépenses d'investissement étant quasi nulles
L'Insee vise une hausse de 1,5% cette année, comme en 2015. Mais là encore, la différence avec la période 2000-2007 est notable. En moyenne, ces dépenses progressaient de 2,4% sur cette période.
En raison de la perte continue des parts de marché de la France dans le commerce mondial - passées de 6% à peine 3% entre 1998 et 2016 selon COE Rexecode - , qui s'explique en partie par le faible nombre d'entreprises exportatrices, le commerce extérieur ne peut être un relais de croissance suffisamment solide pour inciter les entreprises françaises à investir plus massivement. Ou à embaucher. Le pari formulé en 2012 par Nicole Bricq, alors ministre du Commerce extérieur d'équilibrer la balance commerciale des biens manufacturés d'ici 2017 ne sera pas tenu. Le déficit commercial devrait dépasser les 40 milliards d'euros cette année, en dépit des coups de pouce offerts par la chute des prix du pétrole et le replie de l'euro face au dollar entre 2014 et 2016.
Paris n'a pas su, ou voulu, convaincre Bruxelles
L'Etat aurait-il dû déployer une politique de la demande digne de ce nom, qui aurait été le pendant de la politique de l'offre mise en place depuis 2014 ? Nombreux en sont convaincus. Mais il aurait fallu faire un choix fort, obligeant le gouvernement à déployer des efforts de persuasion pour convaincre Bruxelles de la nécessité d'accorder un nouveau report des objectifs de réduction de déficit public par la France. En ne faisant pas ce choix, le gouvernement a peut-être perdu du temps et ruiné tout espoir de voir sa politique économique couronnée de succès. La défiance envers François Hollande ayant atteint un sommet, il a décidé de ne pas se présenter à l'élection présidentielle. Deux de ses ministres de l'Economie n'ont pas ces scrupules. Et son Premier ministre ? On devrait rapidement le savoir.
Fabien Piliu LATRIBUNE