Restriction des abonnements des fonctionnaires auprès des opérateurs de téléphonie mobile, une goutte dans l’océan des dépenses de l’État (par Bosse Ndoye)

03 - Septembre - 2019

Pour louable qu’elle soit, la décision de restreindre l’abonnement des fonctionnaires auprès des opérateurs de téléphonie mobile, avec la suspension des appels sortants, ne demeure pas moins une goutte dans l’océan des dépenses de l’État.

En effet, celui-ci ploie sous le poids de ses charges lourdes et pas toujours utiles et justifiées. Du nombre pléthorique de ministres et ministres-conseillers – dont le président turc, Tayyeb Erdogan disait ironiquement à Macky Sall, lors de sa visite au Sénégal en 2018 : « vous avez beaucoup d’enfants – à la nébulosité entourant l’utilisation de l’argent des caisses noires et des fonds politique, en passant par certaines dépenses de prestige aussi mirobolantes qu’inopportunes (TER, Arena…), à la mise sur pied de projets et d’institutions inutiles, onéreux et inefficaces et les nombreux milliards mystérieusement engloutis dans les Affaires Bictogo, Prodac, Mamour Diallo, l’argent du contribuable est loin d’être utilisé avec probité, efficience et clarté.

Ce qui se passe à l’Assemble nationale – où plusieurs députés sont présents sans avoir une idée claire et précise de la mission qui leur est confiée par le peuple – peut donner une certaine idée des lourdes charges pas toujours nécessaires qu’endosse l’État. « (…) Chaque membre du bureau de même que chaque président de groupe parlementaire perçoit 3 millions à la fin du mois plus un 4×4 et un C5 pour une durée de cinq ans. En sus, ils ont une dotation mensuelle de carburant 1000 litres (…) Le président de l’Assemblée reçoit mensuellement 8 millions de francs Cfa (…) Il bénéficie d’une caisse noire de 500 millions par an (…) Concernant les dotations en carburant, la facture mensuelle est très salée. Le président de l’institution reçoit 10 000 litres ; ce qui fait respectivement 120 000 litres par an et 600 000 litres les cinq ans (…) Les 120 députés «simples» reçoivent globalement 36 000 litres d’essence par mois. Par an, ils reçoivent 432 000 litres et 2 millions 160 mille au bout de cinq. Ce qui revient à 1 920 240 000 francs Cfa. Les membres du bureau (hormis le président de l’Assemblée), les deux présidents de groupe parlementaire et les présidents des commissions consomment 29 000 litres par mois, 348 000 annuellement et 1 740 000 litres les cinq ans. Ce qui revient à 1 546 860 000 francs Cfa. Ainsi la facture carburant des députés pour les cinq ans se chiffre à 4 milliards 500 mille francs Cfa. »

Bien que la décision de restreindre l’abonnement des fonctionnaires auprès des opérateurs de téléphonie mobile soit – à en croire certains médias – le point de départ d’une longue série de mesures à venir, elle semble prise avec un certain retard.

D’aucuns diront : mieux vaut tard que jamais, qu’il faut un début à tout, qu’un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas…On leur rétorquera que ces arguments sont d’autant moins plausibles que les dépenses démesurées de l’État ont presque toujours, et que le président Sall, qui avait promis urbi et orbi une gouvernance sobre et vertueuse, en est à son second mandat. Dès lors les questions qui viennent à l’esprit de nombre de nos concitoyens sont les suivantes : est-ce l’État l’auteur de la décision ou a-t-il été contraint de la prendre? Ces interrogations sont d’autant légitimes que l’on sait que ses caisses sont vides au sortir des élections où beaucoup d’argent dépensé, fût-ce illégalement pour la victoire finale. De plus, le carburant a entre autres augmenté il y a quelques mois, et le président a refusé toute discussion pour l’augmentation des salaires lors de la rencontre avec travailleurs de la CNTS. Toutes ces décisions ressemblent à un début d’une politique d’austérité qui ne dit pas son nom. Elles font beaucoup penser aux injonctions que font le FMI et la Banque à certains pays dans le besoin avant de leur venir en « aide » pour les enchaîner ensuite dans les dédales d’une dette mortelle et sans fin.

En tout état de cause, une utilisation rationnelle des deniers publics est toujours louable. Mais il faut qu’elle soit sincère et bien mise en application. Toutefois elle passe aussi par une élucidation des nombreuses affaires nébuleuses dans lesquelles beaucoup de milliards sont engloutis, par l’arrêt de création d’institutions et de postes inutiles et onéreux pour caser des partisans mécontents ou appâter des opposants en perdition et sans conviction. Et surtout par l’application juste de la loi aux personnes reconnues avoir détourné les deniers publics. Sans distinction d’appartenance politique ou familiale…

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