Sécurité dans le Sahel: Quel bilan faut-il tirer des opérations militaires françaises, de Minusma et du G5 en cours ?

26 - Juillet - 2019

Les déploiements des troupes militaires françaises de l’opération Serval, de Barkhane, de la Minusma et celles du G 5 ont pour mission de stopper les attaques terroristes et de sécuriser les personnes et les biens dans le Sahel.

Mais sur le terrain, la réalité est autre. Les objectifs sont loin d’être atteints. La situation est sécuritaire s’est aggravée. Des attaques terroristes et des affrontements intercommunautaires sont récurrents dans la région.

Des civils tués au Mali et au Burkina Faso
Au Mali, 07 civils maliens ont été tués le 11 juillet 2019 par des hommes armés non identifiés à Ménaka. Le 30 juin 2019, plusieurs villages de la commune de Ouenkoro, au Mali, ont été attaqués. 23 personnes ont été tuées au cours de cette cette attaque. 300 personnes sont portées disparues. Ces communautés fuient leurs localités pour trouver refuge à des endroits plus « sécurisés ».

Au Burkina Faso voisin, le bilan sécuritaire du donne le tournis. Selon le site internet d’information Mondafrique, entre novembre 2018 et mars 2019, 499 personnes (civiles et militaires) ont été tuées. 1933 écoles sont fermées. 9042 enseignants sont contraints au chômage technique alors que plus de 300 000 élèves ne prennent plus le chemin des établissements scolaires, toujours selon notre source. Et le dimanche 26 mai dernier, six fidèles ont été tués pendant une messe lors d’une nouvelle attaque contre une église catholique à Toulfé, localité du nord du Burkina Faso.

 Le Rapport d’alerte du centre pour la prévention des génocides
Pourtant, le Rapport d’alerte précoce par pays d’avril 2018 de Simon - Skjodt, un centre pour la prévention des génocides avait tiré la sonnette d’alerte. Ses auteurs, Ibrahim Yahaya Ibrahim et Mollie Zapata ont alerté « la violence systématique à grande échelle contre les populations civiles dans le Sahel ». « Plus de quatre ans après le renversement en 2013 du régime djihadiste dans les villes du nord et le déploiement d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies, la violence subsiste au nord du Mali, s’est étendue à d’autres régions et s’est intensifiée dans certaines d'entre elles. Bien que des atrocités de masse, à savoir la violence systématique à grande échelle contre les populations civiles, n'aient pas encore été commises au Mali, des signes avant-coureurs sont visibles et méritent une attention immédiate du gouvernement malien et des partenaires internationaux », peut-on lire dans le rapport rendu public en avril 2018. Ce rapport a également identifié le conflit entre les groupes ethniques Peul, Bambara et Dogon dans le centre du Mali (régions de Mopti et de Ségou) et le conflit entre les Tolebe (Peuls) et les Daoussahak (Touareg) à Ménaka, près de la frontière avec le Niger.

Remis aux autorités maliennes et son partenaire français, ce rapport évalue aussi les risques d'escalade de conflits latents entre les clans touareg Ifoghas et Imghad dans la région de Kidal. Il a attiré l’attention des autorités maliennes et de ses partenaires internationaux de « scénarios plausibles menant à l’aggravation de la violence contre les civils dans les prochains mois. « Nous concluons que le conflit de Kidal ne pose pas de risque plausible d’atrocités de masse pendant les 12 à 18 mois prochains mais mérite d’être surveillé de près », ont recommandé les auteurs dudit rapport.

Les autorités maliennes, françaises et les Nations étaient bien informées de ce « risque plausible d’atrocités de masse pendant les 12 à 18 mois prochainLe Rapport d’alerte du centre pour la prévention dess ». Mais pourquoi elles n’ont pas pris toutes les dispositions nécessaires pour éviter ces tueries de masses dans la bande sahélienne? Les États malien et burkinabé et leurs partenaires avaient tout le temps nécessaire pour assurer la sécurité des populations et éviter les massacres de masse de ces communautés dans la zone sahélienne.

« La présence militaire française n’a fait que renforcer le terrorisme en Afrique »

Dans son communiqué du 15 juillet dernier, la plateforme sénégalaise FRAPP, « FRANCE DEGAGE ! » écrit que « La présence militaire française n’a fait que renforcer le terrorisme en Afrique. Les cas du Mali, du Burkina, de la Centrafrique…en font foi ». Elle se demande comment se faut-il que «l’opération Barkhane n’a tué que 450 terroristes, en a attrapé 150 du mois d’août 2014 à février 2018, soit 03 ans et 06 mois, alors que Barkhane c’est 4.500 français face à 3.000 terroristes ? »

La plateforme « Frapp-France Dégage » accuse la France de « préparer psychologiquement les populations à vivre avec l’idée de la menace terroriste » et tout en la mettant en garde contre toute volonté de reproduire ce schéma au Sénégal. Cette accusation a valu l’arrestation de l’activiste panafricain Guy Marius Sagna par le gouvernement sénégalais. Il faut rappeler que le communiqué est signé par « Frapp-France Dégage » mais pas nommément par Guy Marius Sagna.

La « descente aux enfers »
De son côté, le général à la retraite Clément-Bollée, qualifie la lutte antiterroriste au Sahel de « descente aux enfers ». « Je trouve que le bilan est de plus en plus lourd et surtout j’ai le sentiment qu’avec les solutions que nous proposons, tant au niveau de la communauté internationale qu’à celui des acteurs locaux, nous allons dans le mur », a-t-il déclaré à RFI avant d’ajouter: « Et on peut imaginer d’arriver à des choses qui pourraient être effroyables. Je vois quelque chose qui ressemblerait à une situation à la centrafricaine, avec des seigneurs de guerre locaux qui se sont arrangés des fiefs dans lesquels ils règnent en maîtres. Ou pire, et ce que j’observe de pire, ce sont des affrontements intercommunautaires qui commencent à se multiplier. On a parlé des Dogons contre les Peuls, avec 200 morts au mois de mars », a-t-il alerté.


« C’est exactement ce que je constate, moi aussi »
Pour sa part, la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, constate aussi la détérioration du niveau sécuritaire dans le Sahel malgré les efforts de l’Europe et des États membres en faveur du G5 Sahel. « C’est exactement ce que je constate, moi aussi. Non seulement cela n’arrange pas la situation, mais même, cela empire. Quand je vois la perception que les populations locales ont maintenant des forces dites étrangères, des acteurs étrangers qui sont venus pour les aider, c’est assez effrayant. Quand on me dit qu’une colonne française qui sort de son cantonnement se fait caillasser, je me dis qu’il y a quelque chose qui se passe qui n’est pas normale », a-t-elle déclaré.

Par Erick Salemon Bassène

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