SEYBANI SOUGOU, MOUNIROU SY ET NGOUDA MBOUP : LE DEBAT DES SACHANTS SUR LA PROROGATION DE L’ETAT D’URGENCE

06 - Mai - 2020

Tout est parti d’un article de Seybani Sougou. Le juriste, installé à Paris, a récemment soutenu que les décrets pris par Macky Sall pour prolonger l’état d’urgence étaient illégaux.
« C’est clair, net et précis : lorsque le Président prend un décret, suite à une prorogation de l’état d’urgence autorisée par la loi, c’est uniquement pour y mettre fin. Le Président ne peut jamais, par décret, proroger l’état d’urgence puisque la loi adoptée par l’assemblée le 01 avril a déjà prorogé l’état d’urgence en fixant une durée (3 mois au maximum). Au Sénégal, aucune disposition juridique ne permet au Président de proroger l’état d’urgence par décret (aucun texte ne le prévoit). Macky Sall ne dispose pas du pouvoir réglementaire de proroger l’état d’urgence, même pour 1 journée », avait-il argumenté.
Pas convaincu par l’interprétation des textes juridiques de M. Sougou, Mouhamadou Mounirou SY, Conseiller Spécial du Président de la République auprès du Secrétariat général du Gouvernement, lui a répondu nommément en insistant sur la « parfaite » légalité des décrets présidentiels.
« Pas besoin ici de remonter jusqu’à l’article 69 de la Constitution pour rappeler la prérogative présidentielle pour décréter l’état d’urgence. Notre ami SOUGOU l’a fait et l’a très bien fait. Mais là où il a tout confondu pour se livrer à des conclusions sinon inopérantes, à tout le moins hâtives, c’est lorsqu’il analyse les dispositions de la loi d’habilitation n°2020-13 du 02 avril 2020 », a-t-il dit. Le juriste d’ajouter : « Ce que la loi a habilité au Président de la République, c’est de prendre toute mesure durant les trois mois de l’état d’urgence relevant des quatre domaines précités. A cet effet, la prorogation de l’état d’urgence par décret est une mesure sécuritaire et sanitaire parce que prise dans le cadre de la lutte contre une pandémie. Donc, pris sur la base de l’article 1er de la loi, les décrets sont bel et bien légaux. »
Aujourd’hui, un autre grand nom du droit s’est invité dans le débat. Il s’agit de l’enseignant-chercheur de droit public, Ngouda Mboup. Lui aussi, comme Seybani Sougou, soutient mordicus qu’en prolongeant à deux reprises l’état d’urgence, le chef de l’Etat a violé la Constitution. C’est « une violation de la Constitution et une atteinte au domaine de la loi », a-t-il précisément dit, cité par le Quotidien.
« Le président de la République peut décréter et mettre fin à l’état d’urgence, il n’est cependant pas habilité à le proroger. Dans le contenu de la loi d’habilitation, l’Assemblée nationale a pris le soin de proroger l’état d’urgence pour une durée de trois mois. Les décrets présidentiels portant prorogation de l’état d’urgence n’ont pas de base juridique », a argumenté le juriste, précisant que : « L’état d’urgence ne signifie pas suspension de la légalité ou la mise en congé de la légalité. »
Nul doute que Seybani Sougou fera une sortie pour tenter de déconstruire la thèse de Mounirou Sy.

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