SEYNABOU MALE CISSÉ COORDONNATRICE DU COMITÉ RÉGIONAL DE SOLIDARITÉ DES FEMMES POUR LA PAIX EN CASAMANCE: ''UN ACCORD DE PAIX SIGNÉ ENTRE LE GOUVERNEMENT SÉNÉGALAIS ET DES RESPONSABLES DU MFDC EXCLUANT DES FRANGES SIGNIFICATIVES DU MOUVEMENT EST UN P

07 - Septembre - 2022

Un accord de paix signé entre le gouvernement sénégalais et des responsables du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (Mfdc) excluant des franges significatives du mouvement indépendantiste est un problème. C'est du moins ce que pense Seynabou Male Cissé, coordinatrice du Comité régional de solidarité des femmes pour la paix en Casamance, très active dans la recherche de la paix. À son avis, le gouvernement sénégalais doit donc poursuivre le processus pour impliquer toutes les composantes du Mfdc, montrer des signes qu'il est prêt à discuter avec toutes les franges du mouvement qui sont disposées à discuter. Par ailleurs, elle regrette la mise à l'écart des structures de la société civile notamment les femmes dans le processus qui a abouti à ces récents accords de Bissau.

Infos15: Madame Cissé, est-ce qu'on peut savoir le degré d'implication de votre organisation dans le processus de recherche de paix en Casamance ?
Seynabou Male Cissé : Nous sommes une organisation de femmes qui, depuis 1999, nous sommes sur la scène de recherche de la paix au niveau de la Casamance sur plusieurs fronts ; que les femmes soient réellement impliquées dans la recherche de cette paix pour que les intérêts des femmes soient pris en compte dans cette recherche de la paix et pour qu'effectivement une paix réelle, définitive parce que juste et équitable s'établisse au niveau de la Casamance.
-Est-ce qu'il y a une jonction entre vos actions et celles du gouvernement ?
-Quelque part on peut dire il y a une jonction, mais il n'y a pas de jonction concertée ou déterminée sur un planning. Nous, nous sommes de la société civile, nous gardons des distances vis-à-vis de l'Etat comme vis-à-vis du Mfdc.
-Est-ce qu'aujourd'hui, l'avancée du processus de paix vous satisfait ?
-C'est une réponse mitigée que nous apporterons. Au niveau de toute la Casamance aujourd'hui, ce n'est plus à démontrer que les femmes, les populations de manière globale aspirent à une paix réelle et durable. Et s'il y a des accords qui sont signés entre l'Etat et une partie du Mouvement des forces démocratiques de Casamance et qui, nous l'espérons, constituent un jalon important pour la paix, nous sommes très heureuses de cette situation. Mais, cependant, nous déplorons, évidemment, le fait que les femmes n'ont pas été impliquées à aucun moment dans ce processus par aune des deux parties ni par le Mfdc ni par l'Etat du Sénégal et la société civile, de manière globale. En tout cas si nous en jugeons par les présences que nous avons vues au niveau de la salle de la rencontre, la société civile n'a pas été assez impliquée et particulièrement la société civile féminine.
-Justement, à propos de ces accords, des franges assez significatives du Mfdc s'en démarquent, est-ce que cela ne suscite pas une crainte chez vous ?
-Oui et non. Oui, parce que s'il y a un accord et que cet accord n'inclut pas toutes les franges du Mfdc, c'est un problème. Mais, nous pensons que si c'est un processus qui vise effectivement à discuter avec toutes ces franges, à signer des protocoles avec toutes ces franges, nous pensons qu'il y a un espoir. Mais, nous pensons qu'il faut continuer le processus pour que tout le monde se sente concerné, que toutes les franges se sentent concernées par cette paix définitive. Il y a l'absence donc de Salif Sadio que personne ne situe aujourd'hui et, peut-être, qu'il y a l'absence d'autres franges . Nous avons vu les réactions de mangocouro (siège du Mfdc proche de feu Abdou Elenkine Diatta) , mais par ailleurs aussi, nous avons vu les déclarations de Diakaye (quartier général du front nord de Atika). Et cela nous donne l'espoir que l'Etat ne va pas s'arrêter en si bon chemin dans ce processus. Et nous avons toujours prôné que s'il est difficile d'avoir tout le mouvement en même temps, mais il serait bon d'avoir le mouvement frange par frange. Mais il ne faut pas justement arrêter le processus à la frange qui a signé le document, la frange avec laquelle l'Etat a discuté. À mon avis, il faut poursuivre.
-Il y a des structures comme vous qui s'activent pour la paix qui n'ont pas été donc impliquées dans ce processus qui a abouti à cet accord, est-ce que cela ne va pas compliquer les prochaines étapes ?
-C'est ce que je disais tout à l'heure, nous, nous estimons qu'un processus de paix sans les femmes n'est pas équitable puisque dans certains cas, elles ont été au départ de la chose et dans d'autres cas elles ont été fortement mobilisées pour la paix. Donc il est important qu'elles soient là à la table, elles constituent quand même bon sang, plus de la moitié de la population. Si plus de la moitié de la population dans une recherche de paix n'est pas impliquée, ça pose problème. Et donc, non seulement en tant que structure, la société civile, à notre avis, a fait des efforts pour calmer, pour disons stabiliser l'environnement du conflit notamment par ces actions caritatives, par ses actions d'ouverture de discussions donc d'installation d'espaces de dialogue au sein des populations entre elles-mêmes, entre elles et les combattants ou entre elles et l'Etat. Donc la société civile a contribué à la stabilisation, donc pour moi, elle avait sa place à la table de négociations.
-Est-ce que vous ne craignez pas que la situation née de ces accords rejetés par certaines franges du mouvement indépendantiste ne fasse resurgir le conflit ?
-Pour moi, je pense que l'Etat doit montrer un signe qu'il est prêt à discuter avec tous ceux qui veulent discuter. Il faut juste que l'Etat montre des signes qu'il veut discuter et qu'il entame des discussions, comme je l'ai dit, inclusives avec toutes les franges qui sont disposées à discuter.

Propos recueillis par Mamadou Alpha Diallo (infos15.com)

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