TACTIQUE : LE COSTUME RÉAJUSTÉ DE SADIO MANÉ
C’est un souvenir de voyage, coincé au milieu d’une énième saison périlleuse. Le 12 septembre 2021, Sadio Mané, porté par ses jambes taillées comme des pinceaux et ses idées à gogo, galope à Elland Road et aide Liverpool à marcher sur le Leeds de Marcelo Bielsa (0-3). Après la fête, on ne parle pourtant encore une fois quasiment que de son pote bouclé : Mohamed Salah, auteur à la vingtième minute de son centième but en Premier League. Cela va à Mané, qui adore autant dribbler les projecteurs que rendre fous ses gardes du corps en crampons, mais un petit événement vient pourtant de se jouer cet après-midi-là, dans le nord de l’Angleterre. Arrivé en juillet 2016 de Southampton après deux saisons passées à martyriser les défenses du Royaume à l’aide d’un combo puissance-vitesse difficile à contenir, l’international sénégalais, souvent intenable sur les premiers mètres et presque impossible à arrêter sur les suivants, est ensuite devenu une bombe dans la profondeur façon John Barnes à Liverpool à l’aide, entre autres, d’une science de l’appel croisé mise au service des qualités de ses deux autres compères du rayon offensif (Firmino et Salah). Son match livré à l’Allianz Arena de Munich (1-3) en mars 2019 restera comme le symbole de sa bascule définitive dans la catégorie des attaquants complets. Sa copie rendue à Leeds a esquissé, elle, une autre évolution : celle d’un Sadio Mané, pourtant positionné côté gauche sur la feuille de match, pouvant interpréter un rôle plus axial à la Roberto Firmino et ainsi capable de prendre le volant de l’animation offensive des Reds. Le premier semestre 2022, marqué par le débarquement en force de Luis Díaz sur la rive gauche du 4-3-3 de Klopp, a confirmé la réorientation du numéro 10 sénégalais en attaquant-meneur, tête du triangle offensif de Liverpool, tour à tour capable de décrocher, dynamiter, orienter, finir ou mâchonner.
« Red zone » et mouvements firminesques
Revenu en février avec une CAN gagnée dans les valises, mais aussi avec un nouveau concurrent dans un couloir gauche où il a passé près de 90% du temps depuis l’arrivée de Mohamed Salah en 2017, Sadio Mané, en manque de réussite au cours de ses sorties avec les Reds au cours de l’hiver (aucun but marqué entre fin novembre et début janvier), s’est ainsi remis à briller de mille feux une première fois lors de la réception de Norwich (3-1), puis a confirmé lors d’une nouvelle mise au supplice de Leeds (6-0), avant d’enchaîner avec un bouquet d’autres performances garnies. Tout a alors été clair pour Klopp, qui a vu le poison le plus précieux de son mandat à Liverpool répondre sans sourciller : dans un costume légèrement réajusté, Mané, joueur d’équipe par excellence, a vite fait parler sa capacité à se retourner dans n’importe quelle direction en un battement de cil et sa faculté à venir embrouiller - ce qui est la mission première d’un faux 9 - les organisations adverses au milieu de ce que Julian Nagelsmann aime appeler la « red zone » (l’espace entre les centraux et les milieux adverses).