TANT QUE 3 MEMBRES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL N’ONT PAS ETE NOMMES, LES LOIS MODIFIANT LE CODE PENAL ET LE CODE DE PROCEDURE PENALE NE POURRONT ETRE PROMULGUEES (PAR SEYBANI SOUGOU)

15 - Juillet - 2021

L’article 17 de la loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil Constitutionnel dispose que « le Conseil doit statuer dans le délai d'un mois à compter du dépôt de recours (ce délai est ramené à huit jours francs lorsque le gouvernement en déclare l’urgence) ».
Le 30 juin 2021, l'opposition parlementaire a déposé un recours au niveau du greffe du Conseil constitutionnel aux fins d’annulation des 2 lois adoptées par l'Assemblée nationale portant sur la modification du code pénal et du code de procédure pénale, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Saisi le 30 juin 2021, le Conseil Constitutionnel doit statuer dans un délai d’un mois, soit au plus tard le 30 juillet 2021 : 30 juin 2021 – 30 juillet 2021 = 1 mois.
Or, la composition actuelle du Conseil Constitutionnel est totalement irrégulière : en effet, le Conseil Constitutionnel comprend 4 membres alors que l’article 23 de la loi organique du 14 juillet 2016 dispose que le Conseil Constitutionnel ne peut délibérer qu’en présence de tous ses membres au nombre de 7 (une obligation légale à laquelle il ne peut déroger). L’incapacité du Conseil Constitutionnel à délibérer (impossibilité juridique) sur le recours de l’opposition parlementaire, du fait de sa composition irrégulière est d’une extrême gravité, puisqu’en l’absence d’une décision du Conseil Constitutionnel, la promulgation de la loi est suspendue. La saisine du Conseil Constitutionnel suspend de droit le délai de promulgation de la loi. Aux termes de l’article 18 de la loi organique n°2016-23, du 14 juillet 2016 « la publication de la décision du Conseil constatant qu'une disposition n'est pas contraire à la Constitution met fin à la suspension du délai de promulgation de la loi… ».
La loi organique du 14 juillet 2016 relative au Conseil Constitutionnel est très claire : deux (2) conditions cumulatives permettent de mettre fin à la suspension du délai de promulgation :
1- il faut une décision du Conseil Constitutionnel (or, le Conseil ne peut délibérer qu’en présence de tous ses membres),
2- la décision du Conseil doit être publiée au Journal officiel.
Aucune loi ne pourra être promulguée en cas de saisine du Conseil Constitutionnel et tant que ce dernier n’a pas statué sur le recours. Pour que le Conseil Constitutionnel puisse délibérer, il faut impérativement la présence de tous ses membres (7). Ce n’est pas une faculté, mais une obligation légale. La seule exception qui puisse permettre au Conseil Constitutionnel de ne pas délibérer avec 7 membres ; c’est lorsque certains de ses membres sont frappés d’une incapacité physique prévue par l’article 5 de la loi organique du 14 juillet 2016, définie comme un empêchement temporaire (l’incapacité physique, c’est une inaptitude physique partielle ou totale à pouvoir continuer à exercer ses fonctions). Et même dans ce cas d’un éventuel empêchement temporaire, l’article 5 de la loi organique n°2016-23 a tout prévu, au niveau des délais : « si cet empêchement temporaire se prolonge au-delà d’une durée de 60 jours, il est mis fin aux fonctions de l’intéressé dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 5 ». En d’autres termes, un empêchement temporaire ne doit en aucun cas durer plus de 2 mois. Pour les 3 ex-membres du Conseil Constitutionnel (la défunt Bousso Diao Fall, Ndiaw Diouf et Mandiogou N’Diaye) ; la question d’un empêchement temporaire ne se pose pas ; Bousso Diao Fall est décédée depuis le 03 janvier 2021, soit plus de 6 mois (empêchement définitif), tandis que pour les 2 autres, c’est une fin de mandat, non renouvelable (Ndiaw Diouf et Mandiogou N’Diaye n’ont pas été frappés d’une d’incapacité physique, leur mandat a pris fin). Par conséquent, L’empêchement temporaire ne s’applique ni à la défunte Bousso Diao Fall, ni à Ndiaw Diouf, ni à Mandiogou N’Diaye.
Ce qui est inédit, c’est que le Conseil Constitutionnel n’est même pas en capacité de délibérer pour se déclarer incompétent (pour se déclarer incompétent, il faut pouvoir délibérer, or l’article 23 de la loi organique interdit de délibérer sans la présence de tous ses membres). Toute délibération avec les 4 membres actuels est une flagrante violation de la loi.
Le Conseil Constitutionnel prendra t’il le risque de violer la loi et d’organiser un coup d’état constitutionnel en délibérant à 4 membres alors que l’article 23 de la loi organique n°2016-23 l’oblige à délibérer en présence de tous ses membres au nombre de 7 ?
Les 4 « Sages » actuels du Conseil Constitutionnel (M. Pape Oumar SAKHO, M. Saidou Nourou TALL, M. Mouhamadou DIAWARA et M. Abdoulaye SYLLA) oseront t’ils de violer la loi n°2016-23 qui régit le fonctionnement du Conseil, compromettre définitivement leur crédibilité, ruiner leur réputation et devenir les « 4 délinquants » de la plus haute institution judiciaire du Sénégal pour les beaux yeux d’un Président-délinquant comme Macky Sall ?
Si le régime de Macky Sall nous a habitué depuis 2012 à des coups d’état constitutionnels, un coup d’état constitutionnel organisé par le Conseil Constitutionnel himself serait d’une extrême gravité et traduirait l’effondrement de la plus haute institution judiciaire du Sénégal.
Tant que les trois (3) nouveaux membres du Conseil Constitutionnel ne sont pas nommés, l’opposition dispose d’une arme redoutable : elle doit systématiquement saisir le Conseil Constitutionnel à chaque fois qu’une loi est adoptée définitivement par l’assemblée nationale.
L’opposition doit multiplier les recours pour que la promulgation des lois soit suspendue, puisque le Conseil Constitutionnel ne peut en aucun cas délibérer avec 4 membres. En effet, la condition pour mettre fin à la suspension du délai de promulgation, c’est qu’il y ait une décision du Conseil (ce qui est juridiquement impossible avec les 4 membres actuels).
En ne nommant pas 3 membres du Conseil Constitutionnel, Macky Sall bloque le Conseil dans son fonctionnement mais est lui-même piégé : en cas de saisine du Conseil Constitutionnel, la promulgation des lois est suspendue car c’est la publication de la décision de conformité qui met fin à la suspension du délai de promulgation.
Macky Sall a le choix de s’embourber dans une impasse :
• S’il ne nomme pas 3 membres, le Conseil Constitutionnel ne pourra pas délibérer,
• Si le Conseil ne peut pas délibérer, il ne peut prendre aucune décision,
• Et puisque l’article 18 de la loi organique n°2016-23 précise qu’en cas de saisine du Conseil Constitutionnel, la promulgation des lois est suspendue jusqu’à la publication de la décision du Conseil ; il faudra que les 7 membres soient présents pour délibérer. L’article 23 de la loi précitée est clair : aucune décision du Conseil n’est possible sans la présence des 7 membres.
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

21 - Septembre - 2022

France: La pilule du lendemain sera désormais gratuite pour toutes, sans ordonnance

Le ministre de la Santé, François Braun a annoncé mardi 20 septembre que l'accès à la contraception d'urgence, ou pilule du lendemain, va devenir gratuit et sans...

21 - Septembre - 2022

Portrait: âgé de 31 ans seulement et 27 fois plus riche que les Windsor

31 ans seulement et déjà un patrimoine personnel de près de 12 milliards de dollars. Hugh Grosvenor, duc de Westminster, proche de la famille royale britannique,...

21 - Septembre - 2022

AFFAIRE NDIAGE DIOUF: BARTHELEMY DIAS CONDAMNE PAR LA COUR D’APPEL DE DAKAR

Le député-maire de Dakar n’ira pas en prison, mieux il n’y a plus de menace de révocation qui pèse sur sa tête, à la mairie de Dakar. En effet,...

20 - Septembre - 2022

Mobilisation des femmes du bois sacré du Blouf pour servir de bouclier à Ousmane Sonko

Les femmes du bois sacré du Blouf, dans le département de Bignona, se sont massivement mobilisées le week-end dernier dans le village mythique de Tendouck pour servir de...

19 - Septembre - 2022

Affaire Ndiaga Diouf: Barthélémy Dias rejugé mercredi

Le maire de Dakar, Barthélémy Dias, sera édifié sur son sort le mercredi par rapport à l’affaire Ndiaga Diouf. En fait c'est ce jour que la Cour...