Titre Foncier 1751 NGA OUAKAM: L’histoire d’une mainmise scandaleuse sur un bien foncier communautaire

30 - Juin - 2020

​A la suite des propos tenus dans notre journal (voir ci-contre) par le ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, M. Abdou Karim Fofana, la Collectivité de Ouakam, une association créée en 2011 en tant que personnalité morale capable d’ester, a souhaité livrer sa part de vérité au titre de son droit de réponse.

Cette association est dirigée aujourd’hui par l’éminent constitutionnaliste, Pr Babacar Guèye, depuis le décès du premier président, le défunt greffier à la retraite et, surtout, Diaraf consensuel, Seybatou Guèye. C’est à la suite du décès de cet homme charismatique qu’on a assisté à une floraison de Diarafs autoproclamés (trois) qui viennent s’ajouter à celui que la Collectivité considère comme étant le seul légitime, Oumar Samb Guèye. Une curiosité à signaler : bien qu’un nouveau bureau de la Collectivité ait été élu à l’issue d’une assemblée générale convoquée dans les règles de l’art, un blocage se situerait au niveau du ministère de l’Intérieur qui refuserait de l’entériner.

C’est en tout cas une délégation représentative de cette Association qui a rencontré des responsables du « Témoin » le samedi 20 mai à Ngor. Il y avait là, donc, le Pr Babacar Guèye, président de la Collectivité de Ouakam (modestement, il se présente comme vice-président en attendant que sa nomination soit entérinée), président du Conseil des Freys, appartenant à la lignée des Diarafs, Ndiambour et originaire du quartier Toglou. Egalement présents Daour Ndoye (quartier Boulga), Ndombou Tank et secrétaire général du Conseil des Freys, Cheikh Tidiane Ndoye (Rip), Ndiambour, El Hadj Abdou Karim Diop (Santhie), secrétaire général Conseil des Ndiambours, Badou Laye Ndoye, Saltigué, Ndiambour et Ndombou Tank, Amadou Tidiane Ndiaye (Gouye Sor), Ndiambour. Last but not least, les Freys Blaise Diagne et Moustapha Ndoye, le premier nommé étant le président de la commission des Finances de l’Association.

Après s’être présentés et nous avoir expliqué la structuration de la société lébou, particulièrement du village de Ouakam, nos interlocuteurs de cette auguste assemblée ont entrepris de nous parler du fameux TF (titre foncier) 5007 DG devenu le 1751 NGA (Ngor-Almadies). Un TF qui défraie la chronique actuellement et fait l’objet d’un bras de fer entre la Collectivité et les trois Diarafs autoproclamés.

Il y a 119 ans, les ancêtres avaient déjà songé à sécuriser juridiquement les terres du village !

Un peu d’histoire, d’abord, afin de mieux comprendre les enjeux. En 1901, soucieux de sécuriser juridiquement leurs terres, les habitants du village de Ouakam étaient allés les immatriculer auprès du notaire Me Georges Paterson. Les 47 hectares constituant l’assiette foncière du village avaient alors été enregistrés au nom du chef de village de ce temps-là, M. Alieu Guèye. Il convient de préciser qu’à l’époque, les titres fonciers n’existaient pas. En 1948, les représentants du village sont allés inscrire leurs terres dans le Registre foncier qui venait d’être créé. Pour que cela fût possible, il a fallu l’honnêteté et la crainte de Dieu du fils de M. Alieu Guèye après la disparition de ce dernier.

Le fils Guèye témoigna que les terres en question appartenaient à toute la collectivité de Ouakam qui les avait enregistrées au nom de son défunt père. C’est ainsi que les 47 hectares furent immatriculés au nom de la Collectivité léboue de Ouakam. Il est important de préciser que ces terres ont toujours été indivises, c’est-à-dire qu’un consensus est nécessaire pour les aliéner ou pour une quelconque utilisation. S’agissant du TF 5007 DG à proprement parler, à l’origine c’était une carrière de basalte que les entrepreneurs venaient exploiter. Pour sécuriser ce bien minier, les Ouakamois ont entrepris de l’immatriculer lui aussi. Autrement dit, c’est une nécessité, voire une occupation, économique qui a fait naître ce TF d’une superficie de 314.000 m2 à l’origine.

Il convient d’insister sur le fait que de 1948, date de son immatriculation, à 2018, soit durant 70 ans, il n’y a eu aucun acte d’aliénation sur ce titre foncier. L’exploitation de la carrière qu’il sécurise a généré des revenus conséquents pour la Collectivité durant cette période. Des revenus qui sont conservés sous forme de DAT (dépôts à terme) et qui ont généré des intérêts importants reversés dans un compte courant. En 2007-2008, toutefois, deux hectares ont été cédés à l’Etat pour cause d’utilité publique pour les besoins de la construction d’une route dans le cadre des préparatifs du sommet de l’OCI.
L’indemnisation de l’Etat, d’un montant de 3,2 milliards de francs, est d’ailleurs toujours attendue. Elle viendra s’ajouter aux 1,3 milliard de francs qui dorment dans le compte bancaire de la Collectivité.

​Une curieuse « déclaration de perte » de l’original du Titre foncier !

Si ces titres fonciers de la Collectivité ont pu dormir d’un sommeil tranquille jusqu’en 2018, leur réveil a été brusque cette année-là. En effet, une partie des terres a été donnée en dation en paiement au profit d’un certain Issa Gassama, un entrepreneur, en contrepartie de travaux de terrassement loin d’être évidents. Pour réussir à aliéner une partie de ce titre — encore une fois indivis et demeuré en l’état de 1948 à 2018 — , « l’autre partie » incarnée par le Diaraf Youssou Ndoye a dû user d’une entourloupe. Déclarant le titre foncier perdu, elle a fait paraître quatre avis dans le Journal Officiel (la loi n’impose que deux publications dans le cas d’espèce). Puis, en l’absence de réaction, elle est allée trouver un juge qui a donné injonction, conformément à la loi là aussi, au conservateur de la propriété foncière, de délivrer une photocopie du TF 5007 DG devenu 1751 NGA.

Or, l’original du titre existe bel et bien et est détenu par un éminent notable membre de la Collectivité de Ouakam, cette association que le ministre Abdou Karim Fofana semble traiter avec un si grand dédain ! Simplement voilà, le Journal Officiel ayant une diffusion presque confidentielle, aucun membre de l’association créée en 2011 n’a vu les avis faisant état de la perte du TF en question. Toujours est-il qu’à la suite de cette manœuvre, et sous prétexte de paiement en nature de travaux de terrassement, le Diaraf Youssou Ndoye a octroyé 8736 m2 à l’entrepreneur Ibrahima Gassama. Sur des terres indivises ! On peut s’étonner à ce niveau que la collectivité léboue de Ouakama, qui est sur liquide — 1,3 milliard de francs dorment dans ses comptes — en soit réduite à faire une dation en paiement pour payer des travaux de terrassement !

La parcelle est divisée en un Lot 1 de 998 m2 au profit de Madiambal Diagne à travers sa Sci Pharaon, en un Lot 2 de 1000 m2 au profit de la Sci Soleil Immobilière et en un Lot 3 de 1000 m2 au profit de Issa Gassama. Le reliquat de 5738 m2 au profit de Issa Gassama. C’est en faisant l’état des lieux pour le compte de la Collectivité que les membres de sa commission ad hoc ont découvert au niveau des Domaines que le TF 1751 NGA avait été amputé. Usant d’arguments pertinents et convaincants, l’Association dirigée aujourd’hui par le Pr Babacar Guèye a pu faire accepter par un juge l’inscription d’une pré-notation non seulement sur la partie faisant l’objet d’une dation en paiement mais aussi sur le titre foncier global ! Mieux, informent nos interlocuteurs, la religion du juge a été trompée et l’acte ayant rendu possible la dation en paiement va être attaqué devant la justice. Pour dire que la bataille judiciaire ne fait que commencer…

Un projet de 100 milliards sur le site litigieux

D’après toujours les responsables de l’Association, Diaraf Youssou Ndoye et son clan auraient vendu plus de 150 parcelles à 25 millions de francs l’unité. Or, expliquent-ils, « ces parcelles ne sont pas destinées à être vendues. Il s’agit juste d’autorisations d’occuper octroyées à des fils de Ouakam qui sont les seuls ayants droit, l’objectif étant de lutter contre la promiscuité dans le village. Ces terres appartenant à 29.000 Ouakamois, les 1000 happy few qui en bénéficient doivent donc indemniser les 28.000 autres qui ne peuvent pas en jouir. D’où l’instauration d’une contribution symbolique de 2.500.000 francs par bénéficiaire. Au bout de 12 ans, les attributaires verseront une somme complémentaire pour devenir propriétaires. Mais, encore une fois, en aucune façon ces 1000 parcelles ne sont à vendre à plus forte raison à des allogènes » tiennent à préciser nos interlocuteurs.

En tout cas, le compte ouvert par le Diaraf Youssou Ndoye dans les livres de la Bicis a enregistré des mouvements totalisant 176 millions de francs à raison de 2.500.000 francs par attributaire. Pour le reste de l’argent, mystère et boule de gomme ! Le président Pr Babacar Guèye et ses amis s’étonnent du parti-pris de l’Administration, notamment du ministre de l’Urbanisme, M. Abdou Karim Fofana, qui ont pris fait et cause pour le clan du Diaraf Youssou Ndoye. « On ne sait pas qui se trouve sur la liste d’attributaires introduite au niveau du ministre et la DSCOS elle-même, en menant son enquête, n’a rencontré que des membres de l’autre partie » s’insurgent-ils tout en estimant que le ministre Fofana a tous les éléments en main pour rapporter son arrêté.

Plus grave, soutiennent-ils, « le ministre veut nous priver de 13 milliards de francs (Ndlr, 1000 parcelles à 13 millions l’unité décomposés en 2.500.000 francs versés au moment de l’attribution et 10.500.000 dans douze ans) représentant l’indemnisation des 28.000 Ouakamois non bénéficiaires puisque les terrains leur appartiennent communément ». En conclusion, nos interlocuteurs informent qu’un projet nécessitant un investissement de 100 milliards de francs va être réalisé sur le site litigieux. « La communauté s’oppose à tout morcellement sur le Super Plateau parce qu’il ne reste plus que 15 % de la superficie totale. Or, elle a des projets sur ce site où elle va réaliser un investissement de 100 milliards de francs » martèlent le Pr Babacar Guèye et ses amis. Ce projet va être porté par une fondation et il va assurer la continuité de l’activité économique des carrières. « Cette aliénation, c’est une agression culturelle contre nos valeurs. La signature du ministre détruit le ciment de notre Collectivité et fout en l’air la cohésion de notre société construite depuis des siècles ! » s’emporte un Frey.

Le Témoin

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