Zelensky sème le vent et récolte la tempête Poutine ! (Par Mamadou Oumar Ndiaye)

04 - Mars - 2022

Pour une divine surprise, c’en est une, assurément ! Et, parce qu’elle était totalement inattendue, elle n’en est encore que plus agréable un peu comme quand on reçoit un cadeau à l’improviste. Alors qu’on aurait mis la main sur le feu et juré que le président de la République allait s’aligner mécaniquement — pour ne pas dire servilement — sur la position hystérique des Occidentaux à propos de la guerre que mène la Russie du président Poutine en Ukraine, voilà que le Sénégal s’est abstenu lors du vote de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies destinée, justement, à condamner cette « invasion » russe de son voisin.

C’est là une position courageuse, assurément, et qui est tout à l’honneur du président Macky Sall. Lequel en revient ainsi à l’esprit de Bandoeng, ville d’Indonésie où a été créé le mouvement des Non-Alignés en 1955 par Josip Broz Tito, Soekarno, Chou-El Laï, Gamal Abdel Nasser etc. Un mouvement dont l’esprit était de refuser de s’aligner sur aucun des deux blocs qui s’affrontaient à l’époque dans une terrible guerre froide hélas de retour ces années-ci après plus de trois décennies de réchauffement des relations entre l’Est et l’Ouest.

Ces deux blocs que le président Sall renvoie dos à dos, c’est la Russie (héritière d’une partie de la défunte Union des républiques socialistes soviétiques) et l’Occident emmené par les USA. Il est vrai qu’en tant que président en exercice de l’Union africaine, très divisée sur cette affaire ukrainienne entre pro-russes et pro-occidentaux, il ne pouvait pas se permettre de prendre parti mais enfin la position du président de la République n’en manque pas moins de panache.

Certes, durant toute la période de la guerre froide, le président Senghor s’était aligné systématiquement sur l’Occident dont il était l’un des plus ardents défenseurs au sein de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), ancêtre de l’actuelle Union Africaine, une position suivie par son successeur Abdou Diouf mais aujourd’hui, le monde a bien changé avec l’émergence de nouvelles puissances comme la Chine ou celles regroupées au sein du G20 ou encore les BRICS dont la Russie fait justement partie.

On assiste à un déplacement du centre de gravité des affaires mondiales vers l’Est et le Sénégal, qui a entrepris depuis le magistère du président Abdoulaye Wade d’élargir le cercle de ses amitiés en faisant du business avec des pays comme la Chine, la Turquie, l’Inde, la Corée du Sud, la Malaisie mais aussi les Etats du Golfe persique, le Sénégal donc peut difficilement aujourd’hui être un satellite du camp occidental. Ce même si c’est dans celui-ci que se situent ses alliés traditionnels.

Cela dit, au moment où des pays aussi alignés traditionnellement sur les Etats-Unis d’Amérique que le sont ceux du Golfe, pour ne citer qu’eux, hésitent à prendre position dans un conflit qui ne les concerne que très peu finalement, ce serait suicidaire pour le Sénégal d’être dans le camp de la Russie ou dans celui de l’Occident au sens large. De ce point de vue, l’attitude de neutralité qu’il a adoptée est tout à fait la bonne et il convient de féliciter le président de la République pour la lucidité et la sagesse dont il a fait montre dans cette affaire.

Un « mortal kombat » potentiellement nucléaire

En effet, dans ce « mortal kombat » potentiellement nucléaire que se mènent des puissances ayant ressuscité l’esprit de la guerre froide, la bonne position c’est celle que préconisait le président Mai-Tse-Toung pour son pays à propos de la bombe nucléaire — que n’avait pas encore obtenue la Chine ! Cette attitude, c’est celle du « petit singe sagement assis sur la montagne en train de regarder les tigres s’entre-déchirer dans la vallée »…

Je ne sais pas trop ce qui a prévalu dans la décision prise par le Président d’ordonner à son ambassadeur à l’ONU de s’abstenir lors du vote de la résolution destinée à condamner la Russie pour son « agression » contre l’Ukraine, mais une chose est sûre : tout pays qui se trouverait à la place de la Russie aurait fait ce qu’elle fait actuellement dans le pays du président Volodymyr Zelensky, à savoir l’envahir.

En 1981, lorsque des rebelles conduits par Kukoï Samba Sanyang avaient renversé le président Dawda Kaïraba Jawara en Gambie, le président Abdou Diouf n’avait pas hésité une seule seconde pour envoyer l’armée sénégalaise chasser les putschistes — c’était l’opération Fodé Kaba 2 —et rétablir au pouvoir le président Jawara. Dans la foulée, il avait forcé la main à son protégé pour lui faire accepter la création d’une confédération sénégambienne qui a duré quelques années avant d’être dissoute lorsque le partenaire gambien, se sentant suffisamment fort, s’est mis à renâcler contre « l’impérialisme » sénégalais. A l’époque, le président Abdou Diouf avait justifié son intervention par le fait qu’il ne pouvait pas accepter qu’un régime pro-libyen — le régime du Guide Kadhafi était alors perçu comme le Mal absolu par l’Occident — s’installe à l’intérieur des frontières sénégalaises.

Rebelote en 2017, lorsque le président Yaya Jammeh, défait aux élections, avait voulu s’accrocher au pouvoir. Macky Sall, lointain successeur d’Abdou Diouf, a mobilisé son armée pour, sous la bannière d’une force d’intervention de la Cedeao dont elle est la colonne vertébrale, intervenir militairement à Banjul et favoriser l’installation du président Adama Barrow. Pour Macky Sall, l’occasion était belle de se débarrasser d’un homologue auquel il reprochait de mettre son pays à la disposition des rebelles du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (MFDC) afin qu’ils en fassent leur base arrière.

C’est exactement pour les mêmes raisons que le président Abdou Diouf, encore lui, avait fait intervenir l’Armée en 1998 en Guinée-Bissau où des militaires putschistes avaient déposé le président Nino Vieira, allié du Sénégal. Nos troupes en avaient alors profité pour détruire toute l’infrastructure du Mfdc dans ce pays voisin. Pour dire qu’au vu de tout cela, le président de la République Macky Sall pouvait difficilement condamner le président russe pour ce qu’il fait actuellement en Ukraine.

Vladimir Poutine ne pouvait en effet pas accepter que l’Ukraine adhère à l’OTAN et permette aux troupes de cette Alliance militaire de stationner à ses frontières. Il y allait des intérêts vitaux de la Russie. En voulant coûte que coûte s’allier avec les Occidentaux, y compris sur le plan militaire, le président ukrainien a joué avec le feu. Et récolté l’apocalypse pour son pays. Il aurait dû se douter que les Occidentaux, qui n’ont cessé de le pousser toutes ces années à provoquer la Russie, n’enverraient aucun de leurs soldats mourir pour Kiev.

Le président américain Joe Biden l’a d’ailleurs dit cyniquement. Biden qui sait bien que lorsque, en 1962, le président Nikita Khroutchev avait déployé des missiles (à têtes nucléaires !) à Cuba, c’est-à-dire à 150 km à peine des côtes de la Floride, John Kennedy lui avait lancé un ultimatum, le sommant de les démonter sous peine de déclaration de guerre. Le chef de l’Etat soviétique avait capitulé au terme d’un bras de fer doublé d’une guerre des nerfs qui avait tenu le monde en haleine.

De même, aujourd’hui, si la Russie ou la Chine décidait d’ouvrir une base militaire au Mexique ou au Canada, sûr que l’Amérique considérerait cela comme un casus belli ! Pour les mêmes raisons, il convient de laisser Poutine préserver son espace vital. Par tous les moyens. L’attitude la plus sage pour le président Zelensky, c’était d’accepter une sorte de « finlandisation » de son pays étant donné la toute-puissance de son voisin russe. Au lieu de quoi, il a choisi d’accepter d’en faire une base avancée de l’OTAN aux portes mêmes de la Russie. A ses dépens, il est en train d’apprendre qu’on ne provoque pas Vladimir Poutine impunément !

Par Mamadou Oumar Ndiaye, Le Témoin

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