Assassinats de 30 manifestants : Juan Branco publie la liste de ceux qui ont « recruté et encadré» les nervis
Avocat de plusieurs victimes sénégalaises de violences policières lors des affrontements débutés le 1er juin après la condamnation de Sonko, Me Juan Branco a brandi ses preuves à la Cour Pénale Internationale (CPI). Lors d’une conférence de presse, la robe noire française a parlé des nervis et de leurs recruteurs. Il a ainsi cité plusieurs hauts cadres du gouvernement sénégalais.
"Le président de la République du Sénégal, Macky SALL, fin connaisseur des structures de l’Etat pour y avoir été intégré depuis près de vingt-cinq ans, a structuré la chaine de commandement sécuritaire en se fondant sur trois branches, auxquelles il porte une attention toute particulière et personnelle. Mettant en œuvre des rotations régulières, M. SALL porte une attention particulière à la nomination de ses collaborateurs, alimentant des phénomènes de cour et de redistribution de richesses, notamment par l’utilisation des fonds spéciaux, de marchés publics, de contrats de gré à gré et enfin de permis fonciers, particulièrement coûteuse.
La première branche correspond à la chaîne de commandement officielle. Elle repose, outre son cabinet civil, au sein de la maison militaire du Palais, sur son aide de camp, son gouverneur et le chef d’Etat major particulier. La sous-branche militaire, successivement sous les tutelles des généraux Joseph Mamadou DIOP, Mbaye CISSÉ (ami d’enfance de Macky SALL devenu CEMGA) et, depuis le 6 avril 2023, Oumar WADE, prend en charge les relations avec l’armée, réputée loyaliste mais rétive à toute forme d’appropriation politique. Meissa Cellé NDIAYE, aide de camp, et Adama GUEYE, gouverneur militaire, travaillent quant à eux de concert avec les réseaux officieux qui alimentent les nervis présidentiels (voir infra) et contrôle les fonds spéciaux qui permettent le financement d’une grande partie de ceux-ci, mais aussi de contrats d’armement. En ce qui concerne le cabinet civil, une influence particulièrement prégnante a été attribuée à Mahmoud SALEH, véritable idéologue du Président, et à Mahammed DIONNE, au titre ministre d’Etat, et secrétaire général de la présidence depuis 2019. Le remplacement de Abdoulaye Daouda DIALLO, ancien ministre des finances devenu directeur de cabinet de M.SALL en remplacement de Mahmoud SALEH, s’est accompagné de la propulsion du premier à la présidence du CESE, lieu d’influence particulièrement prisé à Dakar, et le maintien du second en tant qu’envoyé spécial du président. Tandis que ceux-ci gardent un profil public.
La chaîne de commandement et sécuritaire qui s’est trouvée au centre de la planification, l’organisation et la mise en œuvre des crimes contre l’humanité commis depuis 2023 trouve sonpoint nodal en Antoine Felix DIOME, ministre de l’intérieur, et Moussa FALL, haut commandant de la gendarmerie nationale. Attributaire par décret des missions de sécurité publique, Moussa FALL s’est vu par ce truchement opportunément soumis sous la tutelle hiérarchique de M. DIOME, en partage avec celle du ministre des forces armées Sidiki KABA.
Antoine Felix DIOME apparaît comme le pilier du système construit par Macky SALL ayant amené à la commission de crimes contre l’humanité et l’utilisation systématique de la violence à des fins de maintien au pouvoir. Ancien Procureur ayant participé, au titre de ses fonctions successives aux éliminations judiciaires successives des trois principaux opposants politiques à Macky SALL, Karim WADE, Khalifa SALL et Ousmane SONKO, M. DIOME a été successivement promu par le régime jusqu’à se voir nommer au poste de ministre de l’intérieur en novembre 2020. Dès le 6 mars 2021, il qualifie les révoltes populaires « d’actes de nature
terroriste », de « conspiration contre l’Etat », nourries par des « actes de provocation sans précédent et sans commune mesure [qui] ont provoqué, avec le soutien de forces occultes identifiées des manifestations violentes » qu’il considère être le fruit d’une « insurrection organisée ».
La police
C’est ainsi qu’il va être à l’origine des promotions successives de Seydou Bocar YAGUE, ancien adjoint d’Ousmane SY, promu le 21 avril 2021, suite aux événéments de mars, et véritable organisateur de la répression policière en tant que DGPN, de Bara SANGHARÉ, connu pour des faits de violence avant sa nomination à la sûreté urbaine et soupçonné d’avoir instruit la mise en œuvre de nombreuses arrestations arbitraires et actes de torture, et enfin de Modou Mbacké DIAGNE, directeur de la sécurité publique lors des événements de mars et avril 2021, promu par la suite directeur adjoint de la police nationale, et remplacé par Ibrahima DIOP, qui tentera d’attribuer aux manifestants des crimes commis par les nervis du pouvoir (voir infra). Sous leur autorité hiérarchique, des abus de pouvoir systématiques et de nombreux cas de torture seront recensés, avec une intensification particulière au sein de certains commissariats, dont celui de l’unité 22 des Parcelles Assainies, Balla KEBÉ, ayant ordonné à ce qu’il soit tiré sur la foule lors des événements de juin 2023.
Ousmane SY, déchu suite aux événements de mars 2021 alors que son mandat courait jusqu’en 2024, disposait au sein du haut commandement d’un réseau de fidèles de la même promotion, dont Amadou Hamady LAM, qui serait promu à la tête de la GMI, et Arona SY, serait propulsé après huit ans de traversée du désert du fait de sa coordination, en tant que commissaire, de la répression des manifestations contre le troisième mandat d’Abdoulaye Wade organisées par Macky Sall.
La gendarmerie
Moussa FALL dispose quant à lui, en tant que haut commandant de la gendarmerie, d’une autonomie particulièrement importante et est au cœur de l’organisation de la répression. Ayant remplacé Jean-Baptiste TINE suite aux événements de mars et avril 2021, il s’appuie principalement sur les colonels Pape Souleymane CISSÉ, son chef de cabinet, et Abdou MBENGUE, commandant de la Légion Ouest (zone 1, Dakar), promu du fait de sa gestion de l’affaire Adji SARR alors qu’il était commandant de la section de recherches. Thiaka THIAW, son second, ainsi que le général Daouda DIOP, en charge de la gendarmerie mobile, et Aliou NDIAYE, commandant de gendarmerie à Dakar, responsable de l’arrestation d’Ousmane SONKO, jouent un rôle de soutien cardinal, aux côtés notamment du lieutenant-colonel Maguette MBAYE, à la tête de la répression en Casamance. Masserigne FAYE, nommé à la tête de la GMI, est l’un des principaux instigateurs de la violence sur le terrain, n’hésitant pas à se montrer en tenue antiémeute afin de pousser ses troupes et étant suspecté d’être directement à l’origine de nombreux cas de torture, et s’appuyant notamment sur le commissaire Amidou BA, logé au camp GMI Abou Diassé, à cette fin. Moussa FALL instruit directement les forces de sécurité sous son autorité, sans contrôle des préfets et gouverneurs, et se coordonne directement avec les principaux groupes de nervis, dirigés par Amadou SALL et Jérôme BANDIAKI.
Les Politiques qui financent les nervis
Cette branche « officielle » se dédouble, au sein du gouvernement, d’une série de baronnies disposant d’un pouvoir officieux, principalement lié à leur capacité à construire des réseaux 93 d’affidés mobilisés dans les périodes de crise. C’est ainsi que Biram FAYE, Doudou KA, Pape Malick NDOUR, Aly Ngouille NDIAYE, Mansour FAYE et Mame Mbaye NIANG disposent d’importantes « ressources humaines », des nervis ayant été pleinement mobilisées dans le cadre des crimes mentionnés. Cet état de fait est parfois assumé, par ce dernier notamment, qui considérera l’usage des dits nervis comme étant « nécessaire ». (PDF44, VIDEO 161) Nervis réclamant d’être payés après une conférence de presse de Mame Mbaye NIANG.(VIDEO 162).
La troisième branche sur laquelle a pris appui Macky SALL correspond à son cercle intime, qui lui sert de relais fondamental afin de redistribuer les ressources et de faire usage de la violence à des fins politiques. Au cœur de celui-ci se trouvent sa femme, Mariem Feye SALL, et son fils aîné Amadou SALL, chargés de la coordination des réseaux de nervis aux côtés de Farba NGOM, tout puissant griot et député-maire de Agnam."