ASSISES FRANCOPHONIE ET LUSOPHONIE :POUR BASSIROU SENE, «IL NE SERT A RIEN DE PARLER DE RESPECT DE LA DIVERSITE ET DE DIALOGUE DES CULTURES SI ON LAISSE SE CREUSER LES FRACTURES ECONOMIQUE… ENTRE LES PEUPLES »

Quelles actions la Francophonie et la Lusophonie peuvent-elles mener main dans la main, dans un monde « marqué par le creusement des inégalités, la dégradation de notre environnement, les dérives extrémistes, le repli sur soi et la xénophobie » ? Bassirou Sène, ambassadeur du Sénégal en France, Monaco et Andorre a invité à cette réflexion jeudi 7 décembre, lors de son discours, à l’occasion du lancement des « Assises sur la Francophonie et la Lusophonie », à l’université Sorbonne Nouvelle, à Paris.

Pour le diplomate, le français et le portugais, qui « ont le privilège d'être deux grandes langues de communication internationale » peuvent contribuer au rapprochement des peuples, à la construction d’une société plus solidaire, mais aussi à la lutte contre les inégalités. C’est dire qu’elles ont de nombreux défis à relever dans ce monde mondialisé.

« Parmi ceux-ci, il y a le combat en faveur du multilinguisme qui constitue une composante essentielle de la diversité culturelle, un des outils de ce dialogue des cultures et des civilisations à bâtir pour éviter cette funeste prédiction du +choc des civilisations+, a soutenu Bassirou Sène. En effet, la défense de la diversité linguistique et culturelle est essentielle, non seulement pour la construction d'un monde solidaire et riche de ses différences, mais également pour le maintien des équilibres et le progrès de la paix dans le monde, a encore argumenté le diplomate. »

Qui a tenu à préciser que la défense de la diversité linguistique et culturelle doit être un « combat permanent, qui requiert la poursuite et le renforcement du dialogue entre les différents espaces linguistiques et culturels, entre la Francophonie et la Lusophonie, mais également avec l’Arabophonie, l’Anglophonie et l’Hispanophonie”.

Dans cette optique, Bassirou Sène a plaidé en faveur de « la mise en œuvre effective de la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, pour l'adoption de laquelle, la Francophonie a joué un rôle décisif”.

« Mais il ne sert à rien de parler de respect de la diversité et de dialogue des cultures si on laisse se creuser les fractures économique, sociale, numérique et environnementale entre les peuples », a fait remarquer l’ambassadeur du Sénégal en France, Monaco et Andorre.

A son avis, les Francophones et le Lusophones doivent jouer un rôle « essentiel » dans la lutte contre les inégalités. « Le rôle essentiel d'une Francophonie et d'une Lusophonie dynamique et volontaire, consiste à mettre en place les coopérations et les solidarités nécessaires pour permettre à certains de ses membres de combler leur retard en matière de développement, d'éducation, de formation, d'accès au numérique », a-t-il dit.

« Il s'agit là d'un défi majeur car, ne nous y trompons pas, le maintien de l'influence du français et du portugais ne sera possible que si elle est portée par le dynamisme des économies des pays qui les utilise », a-t-il soutenu.

“L’enjeu est de transformer la chance linguistique, culturelle et politique que représente l’usage d’une langue commune, en réalité économique », a clarifié le diplomate.

Visiblement décidé à dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas, Bassirou Sène a ajouté : « Si la jeunesse mondiale ne voit pas l'intérêt économique de la langue française ou de la langue portugaise, elle s'en détournera. »

Et c’est surtout en Afrique que les deux langues internationales pourraient perdre plus de locuteurs, a laissé entendre l’ambassadeur. Pour preuve, “les Pays Africains de Langue Officielle Portugaise, (les PALOP) représentent 06 des 09 pays membres de la CPLP. Et selon les projections il y aura 700 millions de locuteurs francophones dans le monde en 2050, dont 85 % en Afrique », a-t-il argumenté.

A l’en croire, « le seul critère du dynamisme démographique ne suffit pas. Le développement de ces langues sur le continent suppose [aussi] la mise en place de politiques visant à renforcer les systèmes éducatifs afin d’assurer l’accès à une éducation et une formation de qualité », a-t-il ajouté.

« En même temps, il est impératif de promouvoir à l'école, les langues nationales, qui dans les pays d'Afrique, cohabitent avec le français et le portugais », a plaidé l’ambassadeur ajoutant que l’excellence en français et en portugais « passe par l’apprentissage préalable des langues maternelles(…) ».

« Les espaces francophones et lusophones doivent être attractifs et innovants dans les domaines de l'enseignement, la formation, la recherche, a appelé l’ambassadeur avant d’enchaîner : « Dans une économie mondiale soumise à la libre concurrence, ils doivent resserrer leurs liens pour favoriser et faciliter la mobilité des étudiants, des chercheurs, des créateurs mais également des entrepreneurs et des femmes et hommes d'affaires, aussi bien au sein, qu'entre les deux espaces linguistiques. »
Les Assises sur la Francophonie et la Lusophonie « se proposent de susciter des débats entre les différents acteurs de la coopération linguistique, culturelle, politique, économique, de promouvoir la mutualisation des ressources entre les réseaux francophones et lusophones », lit-on sur le site de l’Université Sorbonne Nouvelle.
Cheikh Sidou SYLLA