Bases militaires françaises en Afrique: De la fermeture à la déchirure

08 - Janvier - 2025

Passes d’armes verbales. Entre cer tains États africains et le président français Emmanuel Macron, le courant semble prendre un court- circuit avec des étincelles qui ont fait que chacune des parties donne sa version sur le départ des militaires français en Afrique. Lors de la conférence des Ambassadeurs en France, qui s’est tenue le lundi 6 janvier, le président français Emmanuel Macron a consacré une partie de son discours à la fermeture des bases militaires françaises en Afrique soulignant qu’il s’agit d’un départ négocié.

« C’est par simple commodité et par politesse que la France a consenti la primeur de l’annonce à ces pays africains », a rembobiné le chef de l’État français. Suffisant pour créer de l’électricité dans l’air avec des réponses de la part du Premier ministre sénégalais, Ous- mane Sonko. « Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée. Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain », a-t-il répondu. Du côté des Tchadiens aussi c’est sur le même ton qu’il a été demandé « à ce que la France respecte les décisions et la politique souveraine du peuple tchadien ».
Le retrait des militaires français en Afrique a été acté dans la dernière semaine du mois de novembre dernier.
De manière concordante ou isolée, deux États africains, le Tchad et le Sénégal ont décidé de mettre fin à la présence des bases militaires françaises dans leurs pays. Dans un communiqué de presse publié le jeudi 26 novembre 2024, alors que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, venait juste de terminer une visite à Ndjamena, le gouvernement dit avoir mis fin à sa coopération militaire avec l’ancienne puissance coloniale française.

« Le gouvernement de la République du Tchad informe l’opinion nationale et internationale de sa décision de mettre fin à l’accord dans le domaine de la défense signé avec la République française », lit-on dans ce communiqué. Décision surprenante. Le même jour, dans un entretien avec plusieurs médias français, France 2, Afp et Le Monde, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a laissé entrevoir aussi un départ des troupes françaises du Sénégal. « Est-ce qu’en tant que Français, vous envisagez de nous (Sénégalais) voir dans votre pays (la France) avec des chars, des véhicules militaires, des militaires avec des tenues sénégalaises parce que sur le plan historique la France a pris des esclaves, colonisé et est restée? Quand vous inversez les rôles, vous concevrez très mal qu’une autre armée, la Chine, la Russie, le Sénégal ou autres puissent avoir une base militaire en France », avait répondu le Président sénégalais à France 2. Dans l’interview de l’Agence France Presse, le chef de l’Etat sénégalais a été plus clair.
Il a expliqué que le Sénégal est un pays indépendant, souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de base militaire dans un pays souverain. En Côte d’Ivoire aussi, lors de son message de fin d’année, le président ivoirien Alassane Ouattara, a informé la rétrocession du camp de la 43ème Bataillon d’infanterie marine (Bima) d’Abidjan à l’armée ivoirienne au cours de ce mois de janvier. En l’espace de deux mois, le dispositif militaire français en Afrique a connu une évolution rapide qui consacre la fin de toute une histoire. Une page qui se déchire plus qu’elle tourne dans certains cas.

Des Forces françaises du Cap-Vert aux Eléments français au Sénégal

Le dispositif militaire français au Sénégal a connu une évolution notable et considérable avec des changements de dénomination et de projection. Dans ce pays depuis l’indépendance, la présence française avait comme nom les Forces Françaises du Cap-Vert (Ffcv) avec beaucoup d’emprises dont le célèbre camp de la 23ème Bataillon d’infanterie marine (Bima) qui était basé à Bel-Air. C’est au courant de l’année 2011 que ce dispositif a été allégé à la demande de l’Etat du Sénégal avec le président Abdoulaye Wade. Cela, en concomitance et coïncidence avec l’option et la vision des autorités françaises d’alors qui avait inscrit le retrait progressif de leurs soldats français en Afrique dans Le Livre blanc de Défense et de Sécurité nationale de la France de 2008. « Les moyens militaires de la France prépositionnés dans plusieurs pays étrangers doivent être cependant reconfigurés. La France n’a pas vocation à être militairement présente en permanence sur les mêmes bases (…). La France procédera donc à la conversion progressive de ses implantations anciennes en Afrique, en réorganisant ses moyens autour, à terme, de deux pôles à dominante logistique, de coopération et d’instruction, un pour chaque façade, atlantique et orientale, du continent, tout en préservant une capacité de prévention dans la zone sahélienne », lit-on dans cet ouvrage qui est le condensé de la programmation militaire de la France.

C’est dans ce cadre que le camp Bel-Air été ainsi rétrocédé et est aujourd’hui occupé par l’armée sénégalaise. De même que les logements situés à Fann, actuel Ucad III, ceux en face de l’école de Police pour les familles des militaires. Les Éléments Français au Sénégal (Efs), qui est la dernière appellation du dispositif de l’armée française au Sénégal, étaient autour de 350 hommes et femmes. Ils sont implantés au quartier colonel Frédéric Geille à Ouakam et au quartier contre-amiral Protet (port militaire de Dakar). Ils disposent également d’une escale aérienne à l’aéroport militaire de Dakar-Senghor ; d’une station d’émission haute fréquence de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi) à Rufisque.

L’Afrique, théâtre des Opérations extérieures françaises

Epervier, Turquoise, Licorne, Serval, Sangaris, Barkhane, etc… Elles sont légions, les Opérations extérieures (Opex) de l’armée française projetées en Afrique. Dans la dernière décennie, celles de Serval et de Barkhane, qui se sont déroulées au Mali et dans la bande sahélienne, ont retenu le plus d’attention. Déclenchée à la demande du Mali en 2013, suite à la poussée jihadistes dans ce pays, l’Opération Serval a ainsi permis d’éviter à ce pays une partition et une situation sécuritaire particulièrement préoccupante. Avec l’engagement de milliers d’hommes avec un important appui aérien, Serval a aussi permis au Mali de recouvrer une bonne partie de son territoire qui était occupée par le groupes terroristes. Avec le déploiement Onusien, Serval va ainsi céder la place à une autre Opex plus large, Barkhane, qui aura le Sahel comme espace de projection avec en plus du Mali, des pays comme le Burkina, le Tchad, Niger, Tchad qui, avec la Mauritanie, constituaient le G5 Sahel. Avec d’autres partenaires européens, la France comme tête de file, Barkhane a ainsi aidé ces Etats dans le cadre de la montée en puissance de leur sysème de sécurité. Durant toutes ces Opex au Sahel, la France a utilisé ses implantations permanentes africaines au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon comme appuis et bases arrières. C’est avec la fin de Barkhane en 2022 que la réorganisation militaire française en Afrique a commencé à prendre forme parce que n’étant plus présent au Mali, au Burkina et au Niger.
Dans les bases permanentes aussi, une grande réflexion sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique confiée à l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, est menée. Dans ses recommandations, il est noté « une volonté de mise en œuvre d’un partenariat de défense renouvelé, répondant aux besoins exprimés par les partenaires, et coconstruit avec eux, dans le plein respect de leur souveraineté ». La mission de l’ancien secrétaire d’État à la Coopération sous l’ancien président Nicolas Sarkozy concernait les quatre pays où sont implantées des bases militaires françaises sur le continent, hors celle de Djibouti : Sénégal, Côte d’Ivoire, Tchad et Gabon.

Djibouti, seule présence permanente restante

Le dispositif militaire français en Afrique avait deux façades, l’une atlantique avec des bases au Séné- gal, en Côte d’Ivoire et au Gabon. L’autre orientale et orientée vers l’Océan Indien avec Djibouti. C’est seulement dans ce pays que la France compte maintenir sa pré- sence permanente.
En visite dans ce pays lors de fêtes de fin d’année 2024, le président Emmanuel Macron avait insisté sur l’importance de la présence mi- litaire de la France à Djibouti pour le développement de sa stratégie dans la région indo-pacifique. « Cette présence à Djibouti, bien sûr, elle est également orientée vers l’océan Indien et l’Indo-Pacifique, et notre stratégie indo-pacifique réaffirmée, consolidée depuis le printemps 2018, ne pourrait se faire sans les forces françaises de Dji- bouti », avait-il souligné. Djibouti qui fait face à la Mer Rouge, important carrefour des chaînes d’approvisionnement lo- gistiques mondiales, est un cas particulier en terme de présence mili- taire étrangère. Ce pays abrite, en plus celle de la France, des bases américaines, chinoises, japonaises, italiennes et peut être prochainement russes.

le soleil

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