Haute Cour de justice : Macky Sall, une cible possible ?

30 - Décembre - 2024

La loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002 portant Haute Cour de justice confère à celle-ci le mandat de juger les anciens ministres de la République ainsi que les ex-présidents en cas de haute trahison. L’ex-chef de l’État Macky Sall peut-il réellement être poursuivi ?

Au Sénégal, la Haute Cour de justice, une institution rarement sollicitée depuis l’indépendance, pourrait bientôt se retrouver au cœur d’une affaire sans précédent. Pour la première fois de son histoire, elle pourrait être amenée à juger un ancien président de la République, en la personne de Macky Sall. Cette perspective soulève de nombreuses questions sur le fonctionnement, la légitimité et l’indépendance de cette juridiction. En effet, bien avant l’annonce officielle, des voix autorisées se sont déjà élevées au sein du nouveau gouvernement pour menacer l’ex-chef d’État de poursuites.

Dans un entretien exclusif avec Le Soleil digital, Aminata Touré, Haut représentant du président Bassirou Diomaye Faye, a affirmé que l’ex-chef de l’État devait être traduit devant la Haute Cour de justice pour, dit-elle, répondre de ses actes.

« Il est le principal responsable des événements qui ont coûté la vie à des Sénégalais lorsqu’il a tenté de reporter l’élection présidentielle. Rien que pour cela, il devrait être poursuivi par la Haute Cour de justice », a-t-elle confié.
D’autres responsables du parti au pouvoir ont abondé dans ce sens. Fadilou Keïta, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), avait lancé une charge virulente: « On a les moyens de lui faire payer ; on va lui faire payer ! Il a fait des choses extrêmement graves, qui sont là.

La documentation est là. Les personnes avec lesquelles il dealait sont là. Les gens qu’il a pu sacrifier sont là ; et ce sont des gens qui vont témoigner contre lui, ce sont des gens qui vont sortir des documents probants contre lui ! »

Mais de telles accusations soulèvent la question cruciale de la définition de la « haute trahison », seul motif pour lequel un président peut être jugé, selon l’article 101 de la Constitution.

Alors, peut-on réellement juger l’ancien chef de l’État ? « On ne peut pas juger Macky Sall pour des actes qu’il aurait commis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions », a répondu l’ex-ministre de la Justice Ismaila Madior Fall. « Le président de la République bénéficie d’un principe d’irresponsabilité », a ajouté le constitutionnaliste, invité le 3 novembre dernier à l’émission « Grand Jury » de la RFM. « La responsabilité ne peut être exceptionnellement envisagée qu’en cas de haute trahison », selon le juriste. C’est l’article 99 de la Constitution qui le dit. Cela signifie qu’il faut des faits considérés comme constitutifs de haute trahison. Il faut qu’il y ait une instruction qui confirme que ces faits sont constitutifs de haute trahison », a détaillé le professeur de droit public.

De son côté, l’enseignant-chercheur Mouhamadou Ngouda Mboup, de l’Université Cheikh-Anta-Diop, a tenu à apporter un éclairage, dans un article consacré au sujet par le magazine Jeune Afrique. Selon lui, « ni la Constitution ni la loi organique sur la Haute Cour de justice ne la définissent précisément. Autrement dit, il reviendra aux députés de le faire ».

Il ajoute qu’« un mensonge d’État pourrait s’avérer constitutif de la haute trahison ; en l’occurrence, la falsification du taux d’endettement ou du niveau du PIB ».

Son collègue Mamadou Salif Sané de l’Union Gaston Berger de Saint-Louis a, pour sa part, souligné que certains événements survenus au Sénégal entre 2021 et 2024 pourraient être évoqués. « Des infractions ont visé le législateur sénégalais, comme la loi d’amnistie. Cependant, même une loi d’amnistie ne peut couvrir tous les faits. Certains crimes odieux sont imprescriptibles, ni par la loi du législateur ni par l’écoulement du temps. Ces infractions ne peuvent être effacées. Au Bénin, par exemple, les violations des droits de l’homme ne sont pas couvertes par la loi d’amnistie. La corruption, la malversation et certains crimes graves ne sont pas amnistiés », a précisé nle docteur en droit public, qui cite un rapport dans lequel il avait été révélé que des individus envisageaient de transmettre le pays de manière antidémocratique.

Quoi qu’il en soit, conclut le juriste, « la véracité de cette information dépendra de l’enquête ouverte par la Haute Cour de justice pour déterminer la responsabilité de chacun. Il y a également la question d’un détournement de 1000 milliards de francs CFA, et on ignore dans quel compte cela se trouve. Si le président de la République est impliqué dans ces affaires, il pourrait être poursuivi pour haute trahison ».

le soleil

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