PLATINI ET LE SACRE DES BLEUS : «C’EST MOI QUI AURAIS DÛ REMETTRE CETTE COUPE»

29 - Août - 2018

Dans un long entretien à L’Equipe, Michel Platini balaie l’actualité du football et revient sur ses déboires avec la Fifa.

Mondial, VAR, Mbappé, Ronaldo… Michel Platini délivre ses avis tranchés - et souvent passionnants - dans une interview fleuve accordée à L’Equipe ce mercredi. De la Coupe du monde russe remportée par les Bleus, Platini retient une compétition qu’il n’a pas trouvé «magnifique, loin s’en faut». «En termes de qualité de jeu, la Ligue des champions est une compétition au-dessus de la Coupe du monde», explique-t-il, «Une Coupe du monde, c'est avant tout de l'émotion. Tu te retrouves avec des millions de personnes dans les rues, parce que la France a gagné une sorte de guerre mondiale du football devant tous les autres pays.»

Le triple Ballon d’Or a tout de même ressenti «une grande fierté» quand la France a gagné malgré un jeu loin d’être flamboyant. «Le milieu de terrain français, ce n'est pas Xavi, Iniesta et Messi. Mais, en Coupe du monde, tu ne cherches pas à bien jouer mais à gagner quatre matches en dix jours, ceux de la phase finale. La France a gagné parce qu'elle était la plus complète (…) Didier (Deschamps), le bon groupe, il l'a trouvé. Au début de la compétition, tu joues pour gagner ET bien jouer, et puis, plus tu te rapproches de la fin et plus tu cherches juste à gagner ! C'est sûrement ce qui est arrivé à Didier.»

L’introduction plutôt réussie de l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) n’a pas pour autant fait virer sa cuti «Platoche», anti-vidéo convaincu. «Le VAR, c'est du bricolage vidéo. Il n'a pas apporté plus de justice. Prenez la finale de la Coupe du monde : il y avait le VAR, et pourtant, sur le premier but français marqué à la suite d'un coup franc, pour moi, il n'y a pas faute croate. Ensuite, sur le deuxième but français, c'est la régie qui appelle l'arbitre lequel devient une sorte de marionnette. Et, là, il y a main ou pas main du Croate ? À vitesse réelle et même au ralenti "normal", sûrement pas, mais avec la loupe du super-ralenti, qui décortique sur quinze secondes une action qui a duré un millième alors là oui, l'arbitre voit enfin quelque chose et siffle penalty. Toute la Croatie crie à la main involontaire et toute la France hurle à la main volontaire : où est le progrès, où est la justice ? Ça reste de l'interprétation.»

Surpris par le transfert de Cristiano Ronaldo à la Juventus Turin – «j'ai trouvé ça bizarre qu'à trente-trois ans il quitte son club (…) J'ai du mal à comprendre toute cette opération» - Platini évoque aussi le «talent immense» de Mbappé mais refuse de le comparer à Pelé. «Pelé, c'était un mythe, quelqu'un qu'on a peu vu jouer, ce qui a encore gonflé ce mythe, alors que Mbappé on le voit jouer tout le temps. Il me rappelle plutôt Neymar il y a dix ans.» Un Mbappé avec lequel il aurait dû, selon lui, célébrer la victoire sur la pelouse du Stade Luzhniki le 15 juillet dernier. Au lieu de cela, l'ex-futur président de la Fifa a éteint sa télé avant la cérémonie post-finale. «C'est moi qui aurais dû remettre cette coupe. Je n'ai pas voulu me faire du mal. Donc, je suis encore allé me coucher (comme après la finale de l’Euro 2016)...»


Blanchi par la justice suisse mais toujours condamné par la Fifa à une suspension de quatre ans, l’ancien président de l’UEFA reste marqué par l’affaire des 2 millions de francs suisses versés par Sepp Blatter en 2011 et qui a provoqué sa chute. «De tout petit jusqu'à trente-deux ans, j'ai beaucoup donné. J'ai fini ma carrière de joueur fatigué, usé, et, après, j'ai décidé de vivre en faisant des choses qui me plaisaient. J'y suis toujours arrivé, sauf à la FIFA, où c'était un peu plus compliqué parce que je n'étais pas chaud pour y aller. Pendant trois ans, j'ai beaucoup changé d'avis, j'y vais, j'y vais pas, et puis quand Blatter (ancien président de la FIFA) est tombé et que 150 fédérations nationales m'ont dit : "Michel, on te veut comme président", j'y suis allé. Mais entre 150 présidents de fédération qui me voulaient et trois connards à la FIFA qui ne me voulaient pas, ce sont les trois connards qui ont gagné...» Pourrait-il repartir en campagne ? «Je ne me pose pas la question, jure-t-il. Je dis seulement que je ne lâche rien, que je ne m'interdis rien. Pour l'instant, je me vois plutôt comme une caution du jeu.» Que tout le monde écoute religieusement quand il parle de ballon.

Lefigaro

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