REVUE DE PRESSE : LES QUOTIDIENS COMMENTENT L’ADOPTION DU PROJET DE LOI RELATIF À L’ÉTAT D’URGENCE

12 - Janvier - 2021

"Les députés votent l’hyperprésidentialisme", "Macky Sall en maître absolu", "Macky Sall illimite ses pouvoirs", "Macky Sall renforce ses pouvoirs déjà exorbitants" : l’adoption du projet de loi portant modification de l’état d’urgence et de l’état de siège confère un excès de pouvoirs au président de la République, estiment plusieurs quotidiens reçus mardi à l’APS.

Le texte proposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale a été examiné et adopté par les députés, lundi.

Son adoption par la chambre parlementaire octroie aux ministres, gouverneurs et préfets la possibilité de prendre des "mesures exceptionnelles" qui ne relevaient que des prérogatives du président de la République.

Le projet de loi est décrié par plusieurs opposants et leaders d’organisations de la société civile à cause des nombreux pouvoirs qu’il octroie au chef de l’Etat dans un système politique depuis longtemps réputé pour l’excès de prérogatives constitutionnellement accordées au chef de l’exécutif, au détriment des pouvoirs judiciaire et législatif.

En plus des nombreux pouvoirs octroyés au chef de l’Etat avec l’adoption du projet de loi par les députés, c’est le soutien inconditionnel des députés de la majorité parlementaire au président de la République que semble dénoncer une bonne partie de la presse.

"La majorité mécanique a validé la loi relative à l’état d’urgence et à l’état de siège (…) La plénière d’hier a été la boucle d’une procédure politique livrant au chef de l’Etat tous les pouvoirs de décision dans un régime exceptionnel (…) Un coup politique stratégique qui fait jaser les adversaires du pouvoir mis devant le fait accompli d’une dictature rampante", commente le quotidien Kritik’.

L’As partage cette interprétation en écrivant que "l’une des principales nouveautés, c’est que désormais, en situation de catastrophe naturelle ou de crise sanitaire, le gouvernement peut restreindre les libertés sans proclamer l’état d’urgence".

Selon le même journal, des organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International (AI), dénoncent la "marginalisation de l’Assemblée nationale" par les… députés, chaque fois qu’il s’agira désormais de prendre des décisions en matière d’état d’urgence.

La section sénégalaise d’AI, la Ligue sénégalaise des droits humains et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme tiennent à préciser que l’urgence sanitaire est différente de l’urgence sécuritaire, rapporte Tribune.

Dès lors, la première "ne peut donc pas relever d’une loi (…) sur l’état d’urgence comme l’envisage le gouvernement", arguent les leaders des trois organisations, cités par la même publication.

"L’Assemblée nationale s’automutile", écrit Lii Quotidien.

La "possibilité" est désormais accordée au chef de l’Etat, "si l’occasion se présente", de "décréter un couvre-feu sans qu’il ne soit nécessaire d’instaurer l’état d’urgence", sans "recourir à l’Assemblée nationale", explique le même journal.

En résumé, ajoute-t-il, "le pouvoir exécutif entend se donner des pouvoirs réels dans un domaine qui, jusque-là, relevait largement des compétences du pouvoir législatif".

Sud Quotidien est du même avis lorsqu’il écrit que "l’Assemblée nationale capitule".

Un juriste interrogé par cette publication estime qu’on peut à juste titre s’inquiéter de l’adoption du projet de loi "dans la mesure où le président de la République renforce ses prérogatives en matière d’état d’urgence, qui est un régime très lourd".

"Macky Sall obtient des pouvoirs accrus pour gérer désormais toutes sortes de crises, qu’elles soient sécuritaires ou sanitaires", affirme Le Témoin Quotidien, ajoutant que c’est valable aussi pour les catastrophes naturelles.

"Un super-héros"
Source A estime que l’adoption du projet de loi traduit la manière dont fonctionne la démocratie au Sénégal.

"Le combat était perdu d’avance" pour les députés opposés à l’adoption du texte, dans la mesure où "l’hémicycle (le siège de l’Assemblée nationale) a été barricadé dès les premières heures de la journée de lundi par les forces de l’ordre qui en ont fait un bastion (…) imprenable", affirme Source A, ajoutant : "C’est cela la démocratie à la sénégalaise. Le plus fort l’emporte toujours sur le plus faible et n’en a cure des objections soulevées par ce dernier".

"Des députés se sont interrogés sur le rôle des parlementaires lorsque l’Etat décidera de recourir à ce genre de procédure", rapporte Le Soleil.

Le ministre de l’Intérieur a tenu à rassurer ceux-là, qui semblent se désoler des nouveaux pouvoirs accordés au gouvernement et d’éventuels "abus" pouvant venir du pouvoir exécutif.

"Pour le ministre [de l’Intérieur], il y a une avancée significative en termes de liberté, avec ce nouveau régime qui vise surtout à assouplir les pouvoirs de l’exécutif au lieu de les renforcer", lit-on dans Le Soleil.

Le quotidien EnQuête n’y croit pas, qui affirme que "dans un régime hyperprésidentiel, le chef de l’Etat vient d’être doté de nouvelles prérogatives, lors de situations exceptionnelles, au grand dam, selon l’opposition, des acquis démocratiques de la représentation du peuple (l’Assemblée nationale)".

"Le Sénégal s’est trouvé un super-héros", qu’il faut aller voir "vers le palais de la République", commente-t-il.

"Des opposants et des militants de la société civile accusent (…) le président Sall d’avoir profité (…) de la crise sanitaire pour s’octroyer des pouvoirs exceptionnels", rapporte Le Quotidien.

De L’Observateur on apprend que certains députés ont décidé de saisir le Conseil constitutionnel pour obtenir de ladite institution l’annulation du projet de loi.

"La constitutionnalité du projet de loi ne se pose pas, d’autant plus qu’il y a beaucoup de lois qui ont été votées sans [être] prévues expressément par la Constitution", argue le ministre de l’Intérieur, cité par WalfQuotidien et d’autres journaux.

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