[Tribune] Pourquoi Emmanuel Macron doit dire stop à Alpha Condé

17 - Août - 2019

Alors que le président guinéen est l'invité de son homologue français pour participer ce jeudi aux célébrations des 75 ans du débarquement de Provence, à Saint-Raphaël dans le sud de la France, l'ancien ministre guinéen Abdourahmane Sano interpelle Emmanuel Macron sur le débat sur la révision constitutionnelle en Guinée. Avec, en toile de fond, l'éventualité d'une candidature d'Alpha Condé à un troisième mandat.

Ce jeudi 15 août, à l’occasion de la commémoration du débarquement en Provence, le président français recevra Alpha Condé, président de la République de Guinée depuis 2010. À 81 ans, il souhaite changer la Constitution afin de rempiler pour un nouveau mandat, alors que la Constitution guinéenne lui interdit de se présenter à la prochaine élection présidentielle de 2020.

En quête de soutiens internationaux, nul doute qu’il profitera de sa venue en France pour tenter de convaincre Emmanuel Macron du bien-fondé de son changement constitutionnel et de son maintien au pouvoir. Dans l’intérêt de la Guinée et celui de la France, et pour la stabilité de la sous-région ouest africaine, Macron doit s’y opposer.

Éléments de langage

Les chefs d’États de la RDC, du Burkina Faso et, récemment, du Soudan ont mené leurs pays à des crises dans leurs tentatives de changer leur Constitution aux seules fins de se maintenir au pouvoir. Ces tentatives sont accompagnées par des manœuvres visant à anéantir tout débat démocratique et à éliminer – financièrement, juridiquement ou physiquement – toute forme de contestation. Mo Ibrahim, le milliardaire philanthrope qui combat les dictatures à travers sa fondation éponyme avait qualifié de « coups d’États constitutionnels » ces manœuvres.

Mo Ibrahim : « Trop de chefs d’État africains se croient irremplaçables

En Guinée, le deuxième et dernier mandat constitutionnel d’Alpha Condé arrive à son terme en 2020. Mais ce dernier ne semble pas vouloir quitter le pouvoir, et compte s’appuyer sur une nouvelle Constitution, préparée et annoncée à maintes reprises.

C’est dans cette perspective que, le 19 juin dernier, le ministre guinéen des Affaires étrangères a envoyé un courrier à l’ensemble des représentations diplomatiques. Il y présentait aux ambassadeurs les « éléments de langage » pour défendre ce projet. Une action diplomatique qui cache mal les contradictions d’Alpha Condé, qui n’a cessé, ces dernières années, de critiquer les ingérences occidentales, en particulier françaises, dans la politique de son pays.

L’intérêt de la Guinée, et de la France

Alors que le président guinéen est l'invité de son homologue français pour participer ce jeudi aux célébrations des 75 ans du débarquement de Provence, à Saint-Raphaël dans le sud de la France, l'ancien ministre guinéen Abdourahmane Sano interpelle Emmanuel Macron sur le débat sur la révision constitutionnelle en Guinée. Avec, en toile de fond, l'éventualité d'une candidature d'Alpha Condé à un troisième mandat.

Ce jeudi 15 août, à l’occasion de la commémoration du débarquement en Provence, le président français recevra Alpha Condé, président de la République de Guinée depuis 2010. À 81 ans, il souhaite changer la Constitution afin de rempiler pour un nouveau mandat, alors que la Constitution guinéenne lui interdit de se présenter à la prochaine élection présidentielle de 2020.

En quête de soutiens internationaux, nul doute qu’il profitera de sa venue en France pour tenter de convaincre Emmanuel Macron du bien-fondé de son changement constitutionnel et de son maintien au pouvoir. Dans l’intérêt de la Guinée et celui de la France, et pour la stabilité de la sous-région ouest africaine, Macron doit s’y opposer.
Éléments de langage

Les chefs d’États de la RDC, du Burkina Faso et, récemment, du Soudan ont mené leurs pays à des crises dans leurs tentatives de changer leur Constitution aux seules fins de se maintenir au pouvoir. Ces tentatives sont accompagnées par des manœuvres visant à anéantir tout débat démocratique et à éliminer – financièrement, juridiquement ou physiquement – toute forme de contestation. Mo Ibrahim, le milliardaire philanthrope qui combat les dictatures à travers sa fondation éponyme avait qualifié de « coups d’États constitutionnels » ces manœuvres.
à lire Mo Ibrahim : « Trop de chefs d’État africains se croient irremplaçables »

En Guinée, le deuxième et dernier mandat constitutionnel d’Alpha Condé arrive à son terme en 2020. Mais ce dernier ne semble pas vouloir quitter le pouvoir, et compte s’appuyer sur une nouvelle Constitution, préparée et annoncée à maintes reprises.

C’est dans cette perspective que, le 19 juin dernier, le ministre guinéen des Affaires étrangères a envoyé un courrier à l’ensemble des représentations diplomatiques. Il y présentait aux ambassadeurs les « éléments de langage » pour défendre ce projet. Une action diplomatique qui cache mal les contradictions d’Alpha Condé, qui n’a cessé, ces dernières années, de critiquer les ingérences occidentales, en particulier françaises, dans la politique de son pays.
L’intérêt de la Guinée, et de la France

Juridiquement, rien ne justifie ce changement. L’article qui délimite le nombre de mandats est « verrouillé » et ne peut donc faire l’objet d’aucune modification. Parmi les éléments de langages, le gouvernement met en avant le droit du peuple de changer de Constitution. C’est un droit inaliénable, oui, mais à condition que le mobile du changement ne soit pas pour maintenir un président à vie.

Il n’existe aujourd’hui aucun besoin d’adaptation de la Constitution à l’évolution politique ou au changement de l’ordre social. C’est pourquoi ce sont plutôt des manifestations hostiles à un changement constitutionnel qui se multiplient ces derniers mois à Conakry et dans tout le pays.

Dans l’intérêt de la Guinée, Alpha Condé doit quitter le pouvoir démocratiquement et pacifiquement. C’est la stabilité du pays, et même d’une région déjà en proie à la violence et au terrorisme, qui est en jeu. Au-delà de notre intérêt, c’est celui de l’Europe et de la France que la Guinée vive une alternance pacifique et démocratique

C’est l’intérêt de la France de préserver la paix et la stabilité de la Guinée. Un « coup d’État constitutionnel » provoquerait une crise socio-politique majeure aux multiples répercussions. Elle pousserait toujours plus de jeunes Guinéens vers l’Europe, elle aggraverait notre situation économique, elle risquerait même de faire plonger notre pays dans la violence et deviendrait un nouveau terrain fertile pour le terrorisme qui sévit dans la sous-région. Emmanuel Macron n’a pas besoin de cela, lui qui a déjà à gérer une guerre au Mali qui s’enlise.

Les États-Unis ont déjà fait entendre leur position, il y a une semaine, par la voix de leur sous-secrétaire d’État aux Affaires africaines, en affirmant qu’ils étaient contre les changements de Constitution dont l’objectif était de permettre des nouveaux mandats.

Au tour de la France de porter haut ses valeurs démocratiques et de défendre les intérêts du peuple guinéen. Macron ne doit pas se laisser abuser : ce n’est pas s’ingérer dans les affaires intérieures que de s’opposer à ce projet, mais bien défendre des valeurs auxquelles les Guinéens sont attachés et refuser la politique politicienne, plus soucieuse du développement de ses propres intérêts que de ceux du pays.

Par Abdourahamane Sano: Ancien ministre guinéen, président de la Plateforme nationale des citoyens pour le développement (Pecud) et membre fondateur du Front national de défense de la Constitution.

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